LE CAMPING DE LA ROCHEROUGE.
1. Vue d’hélicoptère du château. Extérieur. Jour.
Un château du XVII° siècle, situé en bordure de la Loire, vu du ciel.
Après en avoir fait le tour, et l’avoir survolé, on descend lentement le long de la façade principale.
2. Devant le château. Extérieur. Jour.
Un hélicoptère arrive devant l’entrée principale du château, en même temps qu’une belle femme d’une quarantaine d’années, Ghyslaine, apparaît, outrée, au haut des escaliers.
Et, immobile, elle regarde l’hélicoptère se poser sur la pelouse d’un magnifique jardin à la française.
Et, sans attendre que les pales de l’hélice soient arrêtées, deux japonais d’une quarantaine d’années sautent de l’hélicoptère et se dirigent vers elle.
Ghyslaine
C’est une propriété privée. Veuillez repartir immédiatement.
Japonais 1, avec un fort accent
Nous voulons acheter votre château.
Ghyslaine
Il n’est pas à vendre.
Japonais 2, aussi avec un fort accent
Tout est à vendre.
Ghyslaine, hautaine
Grossiers personnages !
A ce moment un homme élégant, d’une cinquantaine d’années, Charles, la rejoint sur le perron du Château.
Charles
Laissez ma chère, je m’en occupe.
Elle hoche la tête et entre dans le château.
Charles descend les marches du perron, rejoint les Japonais et les salue chaleureusement.
Puis il les raccompagne vers leur hélicoptère tout en parlant (mais ils sont trop loin pour que l’on comprenne ce qui se dit).
Les deux Japonais font de grands gestes, mais, imperturbable, Charles les fait remonter dans l’hélicoptère qui décolle au moment où une jeune fille de seize ans, Pénélope, arrive au grand galop sur un magnifique cheval blanc.
Pénélope arrête son cheval et le retient difficilement pendant que l’hélicoptère s’envole, fait une dernière fois le tour du château, avant de disparaître derrière la forêt.
3. Salon. Intérieur. Jour.
Ghyslaine, assise dans un fauteuil, boit à petites gorgées du thé en compagnie de Charles.
Ghyslaine
Comment avez-vous osé accepter de les rencontrer sans m’en parler.
Charles
Ils devaient venir me faire part de leurs propositions au bureau. Mais ils ont voulu voir les lieux, avant.
Ghyslaine
Comment ça, les lieux ?
Charles
Ils veulent faire du château un parc d’attractions, style Disneyland.
Ghyslaine
Un parc d’attractions ? Du château ?
Charles
Que voulez-vous, ma chère, le monde évolue.
Pénélope entre à ce moment, et, entendant la fin de la conversation, répond
Pénélope
Ce n’est pas une si mauvaise idée. Au moins, on s’amuserait.
Ghyslaine se tourne furieuse vers sa fille
Ghyslaine
Comment ça, on s’amuserait ?
Pénélope
Il y a bien un parc sur les gaulois. Pourquoi pas un parc sur la vieille noblesse française.
Ghyslaine, outrée
Nos ancêtres ne sont pas une bande dessinée.
Pénélope
C’est vrai. Simplement des pages ennuyeuses dans les livres d’histoire.
Ghyslaine regarde sa fille bouche bée, et se tourne vers son mari
Ghyslaine
Charles, dites quelque chose.
Charles
Vous savez pourtant que nous ne sommes plus en mesure d’assurer l’entretien de ce château.
Ghyslaine regarde son mari avec une moue signifiant “et alors !”
Charles
Pierre Henri demande qu’on le rembourse.
Ghyslaine
Il n’a pas besoin d’argent !
Ghyslaine se lève, furieuse, va devant la fenêtre et regarde, immobile, le jardin.
Charles se lève à son tour et la rejoint
Charles
Nous ne pouvons plus continuer comme ça. Vos parents ont vendu les terres de rapport et c’est maintenant à nous de nous séparer du château.
Ghyslaine, dans un cri
Non !
Et, se calmant brusquement,
Ghyslaine
Un parc d’attractions !!! Pourquoi pas un camping ?
Charles
Pardon ?
Ghyslaine
Nous n’avons plus de terre agricole, c’est vrai, mais il reste le parc.
Charles
Et alors ?
Ghyslaine
Faisons un camping au bout du parc.
Charles, outré
Un camping ?
Ghyslaine
Ça rapporte, un camping, non ? Et puis, mon aïeul était bien l’organisateur des fêtes royales.
Charles regarde Ghyslaine, ébahi.
Pénélope, qui, durant la conversation de ses parents, est allée s’asseoir et boit du thé, dit
Pénélope
Un camping. Ça aussi ça doit être amusant.
GENERIQUE
PREMIER JOUR.
4. Bord de la Loire. Extérieur. Jour.
Une jaguar, dernier modèle, longe la Loire et s’engage dans un petit chemin boisé.
Et, presque tout de suite, la voiture freine brutalement en découvrant devant elle un “camping du XVIII° siècle”.
5. Voiture. Intérieur. Jour.
Le conducteur, Pierre Henri, se tourne vers sa femme, Anémone
Pierre Henri
C’est quoi, ça ?
Anémone
Une idée de Ghyslaine, sûrement.
6. Camping. Extérieur. Jour.
Un jeune homme d’une vingtaine d’années, Karim, vêtu comme sous Louis XIV, s’approche alors de la voiture et leur fait signe d’aller se garer dans le parking situé un peu plus loin, dans un endroit caché par des arbres.
7. Voiture. Intérieur. Jour.
Tout en se dirigeant lentement dans la direction indiquée, Pierre Henri sourit ironiquement
Pierre Henri
Je ne sais pas si, à cette époque, on avait déjà des maghrébins comme serviteurs.
8. Parking. Extérieur. Jour.
La voiture se gare dans le parking, caché par les arbres.
9. Camping. Extérieur. Jour.
Les tentes du camping, style XVIII° siècle, sont placées en rond sur un terrain au bord de la Loire, avec, au centre, une grande tente avec des tables installées devant, et, en fond, en partie caché par les arbres, le château.
Ghyslaine, habillée elle aussi comme sous Louis XIV, sort de la tente centrale et attend, immobile, que Pierre Henri et Anémone, à la suite de Karim, la rejoignent.
En la voyant vêtue de la sorte, Pierre Henri éclate de rire.
Pierre Henri
Je ne savais pas qu’il s’agissait d’un bal costumé.
Ghyslaine, vexée
Tu n’aimes pas mon idée ? Pourtant tu étais d’accord pour que Charles organise avec tes Japonais un parc à thème.
Pierre Henri embrasse Ghyslaine avant de répondre
Pierre Henri
Dans le cas du parc à thème, c’est les Japonais qui payaient, pas moi.
Gyslaine
Ce n’est qu’un prêt. Dans très peu de temps, nous pourrons te rembourser.
Et, sans plus s’occuper de Pierre Henri, elle embrasse Anémone.
Ghyslaine
Venez, je vais vous montrer votre tente. C’est la plus confortable.
Et, prenant Anémone par le bras, elle l’entraîne vers une tente située en bordure de la Loire.
Pierre Henri, au bord du fou rire, les suit.
10. Tente. Intérieur. Jour.
Pierre Henri entre dans la tente où se trouvent déjà sa femme et Ghyslaine.
Ghyslaine, à Anémone
Donc, tu vois, tout est comme à l’époque de mes aïeux.
Pierre Henri, ironique
Je croyais que le château remontait au XVII° siècle ?
Ghyslaine, agressive
C’est exact. Mais c’est au XVIII° siècle, sous Louis XIV, que mon ancêtre était chargé d’organiser les fêtes royales.
Pierre Henri
J’aime la comparaison.
Ghyslaine lui jette un regard assassin, et se tourne vers Anémone
Ghyslaine
Donc, lit tout confort, et derrière ce rideau, la salle de bains.
Pierre Henri tire discrètement le rideau, découvrant une succession de seaux de toutes les dimensions.
Pierre Henri
C’est ça, la salle de bains ?
Ghyslaine
Nous sommes dans un camping, ne l’oubliez pas.
Anémone
Mais …
Ghyslaine
Tous les matins, les seaux vides seront remplis d’eau chaude.
Anémone, gênée
Et pour les sanitaires ?
Ghyslaine
Il y a les seaux posés dans l’angle, là-bas.
Pierre Henri et Anémone se regardent, catastrophés.
Mais déjà Ghyslaine, tout sourire, enchaîne
Ghyslaine
C’est amusant ce retour à la nature, non ?
11. Parking. Extérieur. Jour.
Un car se gare dans le parking, et une vingtaine de personnes en sortent.
Karim s’approche du car, tout sourire
Karim
Bienvenue au camping de la Rocherouge.
Le chef du groupe, le Syndicaliste, le regarde, étonné
Syndicaliste
C’est quoi, cette tenue ?
Mais sans tenir compte de la remarque du syndicaliste, Karim enchaîne
Karim
Si vous voulez bien me suivre, vos tentes sont par là.
Et il se dirige vers le camping.
Les passagers du car se regardent, étonnés, et, le suivent.
12. Camping. Extérieur. Jour.
A la suite de Karim, le groupe arrive dans le cercle formé par les tentes.
Pierre Henri sort à ce moment de sa tente, et, apercevant le groupe, murmure
Pierre Henri
Oh non !
Mais déjà le syndicaliste se dirige vers lui et l’apostrophe
Syndicaliste
C’est quoi, ce cirque ?
Pierre Henri, mal à l’aise
Vos tentes sont là. Installez-vous et passez de bonnes vacances.
Syndicaliste, à Pierre Henri
C’est une plaisanterie ?
Pierre Henri
Malheureusement, non.
Ghyslaine sort à son tour de la tente, et apercevant le groupe
Ghyslaine
Bienvenue au camping de la Rocherouge. Installez-vous et ensuite une collation vous sera servie devant la tente-cuisine que vous voyez là.
Et elle indique la grande tente située au centre du cercle formé par les tentes individuelles.
Les différents personnages du groupe se regardent, surpris, étonnés, mais aussi amusés.
13. Devant la grande tente-cuisine. Extérieur. Jour.
Devant la grande tente organisée en “cuisine”, des “marmitons”, habillés comme sous Louis XIV, finissent d’arranger un grand buffet.
Devant la tente, Charles et Pierre Henri, habillés normalement, boivent un verre de champagne.
Pierre Henri, ironique
Le champagne, ça existait déjà à cette époque ?
Charles, amusé
Quelle importance. Du moment que c’est bon.
Ils boivent chacun une gorgée,
Pierre Henri
Ta femme s’est bien moquée de moi.
Charles, surpris
Pourquoi tu dis ça ?
Pierre Henri
Parce que tu crois que le syndicat de l’usine va comprendre, et accepter, que j’oblige mon comité d’entreprise à prendre des vacances dans un camping du XVIII° siècle ?
Charles
Avoue que l’idée est plutôt amusante.
Pierre Henri
Pas quand ils vont découvrir combien ça coûte.
Charles
Je croyais que c’est toi qui investissais ?
Pierre Henri
Et moi je croyais qu’on passerait une semaine dans votre château pendant que mes ouvriers feraient du camping sur tes terres.
Charles
Ghyslaine voulait un test grandeur nature. Je crois qu’elle va être servie.
Pierre Henri, fataliste
Oui, si les syndicalistes la laissent faire.
A ce moment un groupe d’ouvriers arrive et se dirige vers le bar. Le syndicaliste est avec eux. Il regarde soupçonneux le buffet, mais ses amis se précipitent et commencent à s’empiffrer avec des cris de joie et d’étonnement devant la profusion et la variété des mets.
Et, dans le brouhaha, se distinguent des phrases telles que :
Ouvriers
Vous n’auriez pas de la bière plutôt … On se croirait au Club Med … Hé, Germaine, toi qui aime le saumon fumé, c’est le moment d’en profiter …
Le syndicaliste regarde autour de lui, aperçoit Charles et Pierre Henri, prend une coupe de champagne et se dirige vers eux.
Arrivé près d’eux, il regarde Pierre Henri
Syndicaliste
Je ne sais pas où vous voulez en venir, mais je ne me laisserai pas corrompre par votre camping de bourgeois.
Charles
Camping Royal, serait plus juste.
Le Syndicaliste regarde Charles, étonné.
Charles, amusé, se présente
Charles
Duc de la Rocherouge.
Surpris, dépassé, le Syndicaliste ne sait que faire et bredouille rapidement
Syndicaliste
Enchanté.
Et, mal à l’aise, il bredouille
Syndicaliste
Moi c’est Christophe … Le chef du syndicat.
Et, toujours mal à l’aise, il repart rapidement vers le buffet rejoindre ses camarades.
14. Parc entre Château et Camping. Extérieur. Jour.
Pénélope fait galoper son cheval blanc dans le parc situé entre le Château et le Camping. Elle donne l’impression de beaucoup s’amuser.
Puis, toujours au galop, elle se dirige vers le camping, met son cheval au pas pour entrer dans le camping et s’arrête à l’entrée de la cour centrale du camping.
Karim se précipite quand elle arrive pour tenir le cheval pendant qu’elle descend, et il l’attache à un piquet de tente pendant que Pénélope se dirige vers la tente-cuisine sans plus s’occuper de lui.
15. Devant la tente cuisine. Extérieur. Jour.
Pénélope arrive devant la tente où les “campeurs” sont entassés autour du buffet, mangeant et buvant sans retenue.
Elle essaie d’atteindre le buffet, mais renonce très vite devant la cohue qui entoure le buffet, et apercevant son père et Pierre Henri qui la regardent, se dirige vers eux.
Charles sourit à sa fille en haussant les épaules
Charles
Ici, plus de privilèges.
Pénélope
C’est ce qu’on va voir.
Et se tournant vers les campeurs agglutinés autour du buffet
Pénélope, très fort
Est-ce que certains d’entre vous sont intéressés par des cours d’équitation ?
Plusieurs campeurs se tournent vers elle, en criant
Les campeurs
Moi, moi, moi …
Pénélope
Très bien. Allez vous inscrire auprès de Karim, à l’entrée du camping et on commence dans cinq minutes.
De nombreux campeurs partent en se bousculant, dégageant par la même occasion plusieurs places autour du buffet.
Pénélope, se tourne alors vers son père, avec un sourire ironique
Pénélope
Les privilèges, il faut savoir les obtenir.
Et, calmement, elle se dirige vers le buffet et commence à manger et à boire.
Pierre Henri
Elle m’étonne, cette petite.
Charles sourit, fier de sa fille.
16. Cour du camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine et Anémone sortent de la tente de Pierre Henri et se dirigent vers la tente-cuisine.
Elles passent devant un groupe de campeurs qui entourent Karim qui manifestement ne comprend pas ce qui se passe.
Se tournant alors vers Ghyslaine, un campeur demande
Campeur 1
Où est-ce qu’on s’inscrit pour les cours ?
Ghyslaine
Quels cours ?
Campeur 1
Ben, pour apprendre à monter à cheval. La jeune animatrice nous a dit de venir nous inscrire auprès de … enfin du … de ce jeune homme habillé bizarrement.
Ghyslaine, horrifiée
Oh mon Dieu ! Pénélope.
Et elle se précipite vers la tente-cuisine, suivie par Anémone.
17. Devant la tente-cuisine. Extérieur. Jour.
Pénélope est devant le buffet, en train de manger avec les mains et de boire.
Ghyslaine se dirige rapidement vers elle
Ghyslaine
Pénélope, qu’est-ce que vous faites ?
Pénélope
Je mange, mère.
Ghyslaine
Mais c’est la nourriture des campeurs.
Pénélope
Et nous ?
Ghyslaine
Plus tard, au Château.
Et après une légère hésitation, elle ajoute à mi-voix
Ghyslaine
Vous pourriez au moins manger dans une assiette, avec des couverts …
Pénélope, ironique
C’est vous qui avez voulu faire un camping. Je me mets au niveau, c’est tout !
Ghyslaine, outrée, la regarde, ne sachant que répondre.
18. Parc entre camping et Jardin. Extérieur. Jour.
Karim tient une longe au bout de laquelle le cheval blanc de Pénélope tourne en rond, un gros campeur agrippé tant bien que mal sur son dos.
Une partie des autres campeurs le regarde, en riant ou en poussant des cris chaque fois que le “cavalier” risque de tomber.
Pénélope, un sandwich à la main, regarde, amusée, le cavalier agrippé à son cheval.
Ghyslaine la rejoint à ce moment. Pénélope se tourne vers sa mère, amusée,
Pénélope
Vous ne trouvez pas que ces ouvriers sont mignons ?
Ghyslaine regarde sa fille, outrée.
Ghyslaine
Heureusement que votre grand père n’est plus là pour vous entendre dire ça !
Pénélope
Je suis sûre que la situation l’aurait amusé.
Ghyslaine
Comment pouvez-vous être aussi impertinente !
Pénélope se tourne vers sa mère, et avec un grand sourire innocent.
Pénélope
Ne regrettait-il pas le droit de cuissage ?
Ghyslaine, outrée, regarde sa fille sans savoir que répondre.
19. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, toujours habillée comme sous Louis XIV, se promène dans le camping, regardant si tout va bien.
Elle ralentit devant une tente où un couple de cinquantenaires, le syndicaliste et sa femme, sont en train de sortir la table et les chaises d’époque de leur tente pour les installer dehors.
En la voyant arriver, le syndicaliste l’interpelle
Syndicaliste
Eh, Princesse, vous voulez un pastis ?
Ghyslaine
Duchesse.
Syndicaliste
Vous savez, Princesse, Duchesse, c’est du pareil au même. Et devant un verre de Pastis, Duchesse ou manutentionnaire, on est tous semblables.
Ghyslaine le regarde, ne sachant que répondre.
Syndicaliste
Alors, ce pastis, on se le boit ?
Ghyslaine
Plus tard, merci.
Et elle s’éloigne rapidement, gênée, mal à l’aise.
Syndicaliste
Vous savez, j’aime beaucoup votre déguisement, même si je ne comprends pas très bien le jeu de notre patron.
Et il la regarde s’éloigner en souriant.
20. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine traverse le camping, de plus en plus outrée par les campeurs qui sortent sans ménagement les tables et les chaises “d’époque” pour les installer devant les tentes, et s’y vautrer en “petites tenues”.
Passant devant une tente, un gros homme en “marcel”, une cigarette à la bouche l’interpelle
Gros Homme
Vous savez, je préfère beaucoup votre tenue à celle des G.O. du club med de Tunis.
Ghyslaine, gênée, lui répond par un sourire forcé.
Gros Homme
Au fait, c’est quoi, l’animation de ce soir ?
Ghyslaine
Un bal est prévu vers 21 heures.
Gros Homme
Chouette. J’adore danser. C’est bal déguisé ?
Ghyslaine, surprise
Non, pourquoi ?
Gros Homme
Je pensais …. Vous comprenez, à vous voir ….
Ghyslaine le regarde, hésitant avant de répondre
Ghyslaine
En fait, j’ai prévu des costumes d’époque. Ils sont à votre disposition dans la tente à côté du parking.
21. Salon du château. Intérieur. Jour.
Ghyslaine, furieuse, marche de long en large dans le salon, pendant que Charles et Pénélope prennent tranquillement leur thé.
Ghyslaine
Non, mais quels goujats, tous tant qu’ils sont. Et puis, aucune tenue, ils sont là à se vautrer dans nos fauteuils d’époque à moitié nus …
Pénélope
Comment ça se passait dans les … campings du XVIII° siècle ?
Ghyslaine
Que voulez-vous dire ?
Pénélope
Je ne sais pas, mais vous croyez que les tenues étaient irréprochables ? … En tous les cas, ce n’est pas ce que disent les livres d’histoire.
Ghyslaine
Comment pouvez-vous …
Mais Pénélope interrompt sa mère
Pénélope
La révolution, ça vous dit quelque chose ?
Ghyslaine, furieuse, regarde sa fille et sort de la pièce en claquant la porte derrière elle.
Charles se tourne alors vers sa fille
Charles
Là, vous exagérez Pénélope.
Pénélope
Elle m’énerve avec ses grands airs. Après tout, c’est elle qui a voulu faire de ce camping un camping du XVIII°.
Charles
C’est vrai. Mais ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée.
Pénélope
Que voulez-vous dire ?
Charles
J’ai l’impression qu’on va bien s’amuser.
Pénélope regarde son père, et répond à son sourire.
22. Camping. Extérieur. Soir.
La cour centrale du camping est éclairée par des torches, et, sur une petite estrade, quatre tabourets sont disposés pour accueillir des musiciens.
Devant la grande “tente-cuisine”, un grand barbecue a été installé et des marmitons font griller deux agneaux pour le dîner.
De grandes tables, chargées de nourritures variées, ont été disposées tout autour.
Tous les campeurs sont là, certains portant sur leurs tenues des éléments de vêtements du XVIII° siècle (veste, perruque, chapeau …), d’autres en short et en “marcel”, d’autres en tenue plus que décontractée.
Ils sont, pour la plupart, agglutinés autour du buffet et mangent et boivent avec un plaisir évident.
Pierre Henri et Anémone, vêtus normalement, regardent les ouvriers, hésitant sur la conduite à tenir.
Et brusquement des musiciens, vêtus comme sous Louis XIV, arrivent sur l’estrade et se mettent à jouer un menuet.
Tous les campeurs, surpris, se tournent vers eux en silence.
Charles et Ghyslaine, en tenue de la cour de Louis XIV, arrivent alors, se dirigent vers la piste de danse et commencent à danser, comme on le faisait à l’époque, devant l’air ahuri de tous les campeurs.
Pierre Henri et Anémone, après avoir regardé Charles et Ghyslaine, se sont aussi décidés à “entrer dans la danse” et imitent sans grand talent les mouvements de Charles et Ghyslaine.
En riant, un couple de campeurs se lance aussi sur la piste et essaie d’imiter Ghyslaine et Charles. Un autre couple les suit, et très vite, tous les campeurs dansent, en essayant maladroitement, d’imiter les châtelains.
Mais ces danses désordonnées se font dans la bonne humeur et tout le monde s’amuse.
Pénélope, elle aussi habillée comme au XVIII° siècle, d’abord réticente, se dirige vers Karim, toujours habillé comme au XVIII° siècle, et l’entraîne sur la piste de danse.
Et, très vite, les deux jeunes gens donnent l’impression de beaucoup s’amuser, bien que leur façon de danser le menuet ne soit pas très “orthodoxe”
Ghyslaine, tout en dansant, grimace en voyant sa fille danser avec Karim. Et, profitant des figures imposées par le menuet, s’approche de sa fille et lui murmure
Ghyslaine
Vous pourriez prendre un autre cavalier.
Pénélope
Pourquoi ?
Ghyslaine
Mais enfin, Pénélope, il n’est pas de notre monde.
Pénélope, tout sourire
Pourquoi, les autres le sont ?
Ghyslaine, furieuse, ne répond pas, et profite de la danse pour s’éloigner de sa fille.
Sa danse amène alors Ghyslaine en face de Pierre Henri.
Pierre Henri
Alors, ma chère, vous vous amusez bien ?
Ghyslaine
J’aurais aimé que vos ouvriers soient un peu plus coopératifs.
Pierre Henri
Pourquoi, ils s’amusent, il me semble.
Ghyslaine
Peut-être, mais avez-vous remarqué leurs tenues.
Pierre Henri, ironique
Certains ont fait l’effort de se déguiser.
Ghyslaine
Vous auriez dû montrer l’exemple.
Ghyslaine profitant de l’évolution de la danse, lui tourne ostensiblement le dos et s’éloigne de lui.
Et, elle se retrouve face au Syndicaliste, lui aussi habillé normalement
Syndicaliste, ironique
Pas mal votre danse. Mais il faudra que je vous apprenne la bourrée. Vous verrez, c’est aussi une danse rythmée, mais, comment dirai-je, plus … plus populaire.
Ghyslaine esquisse un sourire forcé, mais ne répond pas, et s’éloigne rapidement en direction de Charles, sans tenir compte des mouvements de la danse.
La voyant ainsi s’éloigner, le syndicaliste dit
Syndicaliste
Hé, vous n’êtes pas dans le rythme.
Mais Ghyslaine est déjà loin de lui, et prenant le bras de son mari qui dansait avec Anémone, l’entraîne hors de la piste de danse
Charles, inquiet
Quelque chose ne va pas ?
Ghyslaine
Je n’en peux plus. Tout ça est insupportable.
Charles
Quoi donc ?
Ghyslaine
Toute cette vulgarité, ce laisser aller …
Charles
C’était votre idée, ma chère, ne l’oubliez pas.
Ghyslaine
Et bien j’ai eu tort. Renvoyons immédiatement tous ces gens.
Charles
Et qui paiera nos dettes.
Ghyslaine le regarde, furieuse
Ghyslaine
Vous êtes vulgaire !
Et, quittant le camping, elle s’éloigne en direction du château.
Le syndicaliste s’approche alors de Charles qui la regarde partir
Syndicaliste
Belle femme, dommage qu’elle soit d’un autre siècle.
Charles regarde le syndicaliste, ne sachant que répondre.
Le syndicaliste lui adresse un sourire fataliste, et retourne dans la danse, avec beaucoup de grâce, de rythme, de savoir faire.
Charles, immobile, regarde les campeurs danser d’une façon de plus en plus harmonieuse.
DEUXIEME JOUR.
23. Château. Terrasse. Extérieur. Matin.
Charles et Ghyslaine prennent leur petit déjeuner sur la terrasse.
Pénélope arrive dans le parc à cheval et vient s’arrêter devant la terrasse.
Pénélope
Bien dormi ?
Ghyslaine, étonnée
Vous êtes déjà levée ?
Pénélope
Je donne des cours d’équitation dans une demi heure. Je voulais échauffer mon cheval avant.
Ghyslaine
Vous prêtez votre cheval pour des cours d’équitation ?
Pénélope
En attendant que vous en achetiez d’autres …
Ghyslaine
En acheter d’autres ?
Pénélope
Oui, Karim pense qu’on peut faire beaucoup d’argent en louant des chevaux.
Ghyslaine
Karim, Karim, Karim … Vous n’avez plus que ce mot à la bouche.
Pénélope
Que voulez-vous mère. Il faut bien vivre avec son temps … et accepter les bons conseils quand on vous en donne.
Et elle part au galop en direction du camping.
Charles et Pénélope la regardent partir.
Charles
Décidément, cette petite m’étonnera toujours.
Ghyslaine lui jette un regard noir, mais ne dit rien.
24. Camping. Extérieur. Jour.
Charles et Ghyslaine, habillés normalement, se promènent dans le camping où les campeurs vaquent à leurs occupations.
Certains sont affalés dans des fauteuils placés devant leur tente et lisent, d’autres font de la gymnastique, d’autres se baignent dans la Loire, d’autres jouent aux cartes, …
Charles et Ghyslaine rejoignent alors les “marmitons”, toujours habillés comme au XVIII° siècle, qui préparent, devant la tente-cuisine, différents plats pour le déjeuner sous la direction d’un chef cuisinier.
Le syndicaliste les rejoint
Syndicaliste
Ils sont syndiqués vos cuisiniers ?
Charles
Ce sont les élèves d’une école de cuisine.
Syndicaliste, ironique
Vous nous gâtez.
Ghyslaine
Que voulez-vous dire ?
Syndicaliste
On n’est pas habitués à être servis. Je ne sais pas si ça plaira à nos femmes.
Ghyslaine
C’est des vacances pour elles aussi.
Syndicaliste
Si c’est vous qui le dites !
Pierre Henri sort à ce moment de sa tente, et apercevant Ghyslaine et Charles se dirige vers eux.
Mais le voyant arriver, le syndicaliste lui montre du doigt les marmitons en train de préparer le repas
Syndicaliste
Vous savez que pour la cantine de l’usine, ça ne serait pas une mauvaise idée.
Puis, avec un grand sourire, il s’éloigne en direction de sa tente.
Pierre Henri le regarde s’éloigner et se tournant vers Ghyslaine
Pierre Henri
J’espère que vous n’êtes pas en train de me préparer une grève.
Ghyslaine
Que voulez-vous dire ?
Pierre Henri
Rien, rien. Je réfléchissais tout haut.
Ghyslaine
Anémone dort encore ?
Pierre Henri
Non, elle est partie chez le coiffeur.
Ghyslaine
Chez le coiffeur ?
Pierre Henri
Le coin salle de bains est … comment dire … un peu rustique. Et puis, elle avait besoin de se faire couper les cheveux.
Ghyslaine esquisse un sourire, puis
Ghyslaine
Vous regrettez d’être ici ?
Pierre Henri
Ce n’est pas exactement ce que j’attendais …
Ghyslaine
C’est à dire ?
Pierre Henri
Je ne sais pas … Je pensais que … que ce serait plus … ou plutôt moins …
Ghyslaine
Hier soir, vous avez eu l’air de vous amuser.
Pierre Henri
C’est vrai. Mais je ne pensais pas que mes ouvriers s’amuseraient aussi.
25. Parc. Extérieur. Jour.
Une femme d’une cinquantaine d’années, Germaine, femme du syndicaliste, assez ronde, prend une leçon d’équitation sous la direction de Pénélope.
Puis elle vient s’arrêter près de Pénélope
Pénélope
C’est bien, mais ça suffit pour aujourd’hui. Et ne vous étonnez pas si demain vous avez mal aux cuisses.
Péniblement Germaine descend de cheval, et
Germaine
J’aurais jamais cru pouvoir tenir la-dessus. Je vous remercie.
Pénélope lui adresse un grand sourire et la regarde s’éloigner marchant less jambes écartées.
Elle se tourne ensuite vers Karim qui se tenait un peu en retrait.
Pénélope
Pas d’autres amateurs ?
Karim
Non.
Pénélope
Tant mieux.
Elle regarde son cheval et lui caresse tendrement la tête
Pénélope
C’est bien, tu t’es bien conduit.
Karim s’approche alors de Pénélope et demande timidement
Karim
Je pourrais essayer, moi aussi ?
Pénélope, surprise
Tu n’es jamais monté à cheval ?
Karim
Non
Pénélope
OK. Allez viens.
Karim s’approche du cheval tenu par Pénélope.
Pénélope
Tu mets ton pied dans l’étrier … voilà, comme ça, et tu te hisses sur le cheval.
Suivant son conseil, Karim monte sur le cheval, mais, entraîné par son élan, tombe de l’autre coté.
Pénélope éclate de rire, et Karim, après un moment d’hésitation, rit aussi.
Pénélope l’aide à se relever, et
Pénélope
Allez, on recommence.
Karim remet son pied dans l’étrier, et, poussé par Pénélope, se met en selle.
Et, heureux, riant, Karim commence à faire avancer le cheval sous les conseils de Pénélope qui court à côté de lui, riant aussi.
26. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, étonnée, regarde Pénélope donner une leçon à Karim. Manifestement les deux jeunes gens s’amusent beaucoup.
Le syndicaliste s’approche d’elle
Syndicaliste
Décidément vous m’étonnez.
Ghyslaine, agressive
Pourquoi ?
Syndicaliste
Votre fille … Je ne pensais pas qu’elle pouvait être aussi différente de vous.
Ghyslaine le regarde, méprisante
Ghyslaine
Peut-être que vous ne devriez pas être aussi sectaire.
Syndicaliste
Que voulez-vous dire ?
Ghyslaine
Vous devriez profiter de vos vacances, plutôt que de chercher à tout critiquer.
Syndicaliste
Avouez pourtant que vous faites tout pour.
Ghyslaine
En essayant de rendre votre séjour agréable ?
Syndicaliste
Justement, je trouve que vous en faites trop, votre fille et vous.
Ghyslaine
C’est à dire ?
Syndicaliste
Vous devriez rester dans votre rôle de châtelaine au lieu de jouer les gentils animateurs.
Ghyslaine
Votre femme n’avait pas l’air de s’en plaindre.
Syndicaliste
Justement. Je ne crois pas que ce soit le rôle de ma femme d’apprendre à monter à cheval.
Ghyslaine
Et pourquoi ?
Syndicaliste
Parce que je n’ai pas les moyens de lui payer des cours d’équitation.
Ghyslaine
Ça avait l’air de lui plaire, pourtant.
Syndicaliste
Peut-être. Mais après ? … Vous avez pensé à après.
Ghyslaine
Vous n’aurez qu’à revenir dans notre camping.
Le syndicaliste la regarde, hausse les épaules, et s’éloigne.
Ghyslaine esquisse un sourire, puis se retourne pour regarder sa fille rire avec Karim, et perd son sourire.
27. Tente-cuisine. Intérieur. Jour.
Dans la tente qui sert de cuisine, les élèves cuisiniers s’affairent sous les ordres du chef cuisinier.
Le syndicaliste entre sous la tente, les regarde s’activer et approche sa main pour prendre un gâteau.
Mais tout de suite il est rappelé à l’ordre
Chef cuisinier
On ne touche pas !
Syndicaliste
Mais …
Chef cuisinier
Les repas seront servis dans une heure.
Syndicaliste
Et si j’ai faim entre temps ?
Chef cuisinier
Vous n’aviez qu’à bien manger pendant le petit déjeuner.
Syndicaliste
Eh, on n’est pas à l’usine.
Chef cuisinier
Pour vous, non, mais pour mes petits stagiaires, oui. Qu’est-ce que vous diriez si je venais troubler la bonne marche de vos ouvriers ?
Le chef syndicaliste le regarde “les yeux ronds”, et, sentant une présence derrière lui, se retourne et voit Pierre Henri qui le regarde en souriant ironiquement.
Le syndicaliste hésite, puis hausse les épaules et sort de la tente.
28. Camping. Extérieur. Jour.
Le syndicaliste traverse le camping en direction de sa tente. Sa femme, Germaine, allongée sur une chaise longue devant la tente, se dore au soleil tout en feuilletant une revue sur les châteaux.
Le syndicaliste s’approche d’elle
Syndicaliste
Qu’est-ce que tu lis ?
Germaine
Une revue sur les châteaux. Ça fait rêver.
Syndicaliste
Où as-tu trouvé ça ?
Germaine
Dans la tente bibliothèque il y a des tas de revues … Il y a aussi des romans policiers si tu veux.
Syndicaliste, ironique
Tu t’intéresses aux châteaux, maintenant ?
Germaine, ironique à son tour
Depuis qu’on fréquente la noblesse …
Syndicaliste, furieux
Tu vas pas t’y mettre, toi aussi.
Germaine
Oublie ton rôle de chef du syndicat, et détends-toi, tu en as besoin. Tiens, regarde tes camarades, ils en profitent sans se poser de questions et ils ont raison.
Syndicaliste
Tout ça n’est pas normal. Il y a sûrement un piége quelque part.
Germaine, ironique
Tu vois le mal partout.
Syndicaliste
C’est pas normal que des nobles fassent un camping dans leur parc, et encore moins qu’ils nous servent.
Germaine
C’est ça, l’abolition des privilèges.
Le syndicaliste la regarde, ne sachant que répondre.
Mais déjà elle enchaîne
Germaine
Au fait, question abolition des privilèges, si tu nous servais un pastis.
Le syndicaliste la regarde, ne sachant comment réagir. Mais apercevant Ghyslaine qui vient dans leur direction, il l’interpelle
Syndicaliste
Dites-moi, Comtesse, un pastis, ça vous ferait plaisir ? Ma femme allait justement nous en servir un.
Ghyslaine
Je vous remercie, une autre fois, peut-être.
Et elle s’éloigne dans une autre direction.
Germaine, toujours allongée dans sa chaise longue, le regarde ironique
Germaine
Moi, je suis peut-être intéressée par les châteaux, mais toi tu sembles préférer les comtesses. .. Alors, ce pastis, ça vient monsieur le Manant !
29. Ecuries. Intérieur. Jour.
Pénélope rentre le cheval dans l’écurie, suivie par Karim qui enlève la selle et la range sur le porte-selle installé à l’entrée du box.
Pénélope le rejoint
Pénélope
Il faut le brosser maintenant.
Karim la regarde, d’un œil interrogateur
Pénélope
Je vais te montrer.
Elle prend une brosse, et commence à brosser tendrement son cheval. Karim la regarde faire.
Pénélope
A toi, maintenant.
Elle tend la brosse à Karim qui la prend et brosse le cheval à rebrousse poil.
Pénélope
Non, pas comme ça.
Elle prend la main de Karim et la guide pour brosser tendrement le cheval.
Karim se laisse faire et la regarde, lui
souriant tendrement.
Pénélope lui rend son sourire, continue à guider sa main pendant quelque temps,
puis retire sa main
Pénélope
Vas-y, maintenant.
Karim continue à brosser le cheval avec tendresse tout en fixant Pénélope, qui, immobile, le regarde faire, manifestement troublée.
30. Salon du château. Intérieur. Jour.
Ghyslaine et Charles, confortablement installés dans la salle à manger, déjeunent, servis par le majordome.
Pénélope entre
Ghyslaine
Vous voulez déjeuner ?
Pénélope
Pas le temps. Je vais prendre une douche et je retourne manger au camping.
Ghyslaine, ironique
Rien ne vous y oblige.
Pénélope, agressive
A prendre une douche ?
Ghyslaine la regarde, mais ne répond pas.
Pénélope sort alors de la pièce sans un mot.
Charles
J’ai l’impression que notre fille prend son rôle d’hôtesse très au sérieux.
Ghyslaine
Un peu trop, à mon goût.
Charles
Vous avez tort. Je crois qu’elle s’amuse bien.
Ghyslaine
C’est bien ce qui m’inquiète. Elle devrait pourtant comprendre que ce n’est pas un jeu, mais une façon de gagner de l’argent.
Charles
Ma chère, avouez que cela vous amuse aussi.
Ghyslaine
Je pensais m’amuser, mais je ne suis pas sûre d’apprécier l’humour de nos campeurs.
Charles
Les Japonais sont toujours intéressés, vous savez.
Ghyslaine
Charles, je vous en prie, ne me parlez plus de ça.
Charles
Je disais ça pour vous rappeler qu’il y a d’autres choix que ce projet ridicule.
Ghyslaine
Vous avez tord de trouver cela ridicule. La preuve, votre fille s’amuse.
Charles la regarde en souriant ironiquement.
Ghyslaine hausse les épaules et continue à manger comme si de rien n’était.
31. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, vêtue normalement, se promène dans le camping et regarde les campeurs installés sur les bords de la Loire, se baigner, se bronzer allongés au soleil, jouer au ballon, …
Germaine, vêtue d’une grande serviette enroulée sur son maillot la rejoint
Germaine, timide
Je voulais vous remercier … C’est bien ce que vous faites.
Surprise, Ghyslaine se tourne vers elle et la regarde
Germaine, mal à l’aise
Je ne sais pas pourquoi vous faites ça, mais je trouve ces vacances très agréables.
Ghyslaine
C’est le but, non ?
Germaine
Peut-être. Mais mon mari ne comprend pas pourquoi vous faites ça ?
Ghyslaine
C’est très simple. Mon aïeul tenait le camping du roi …
Germaine, l’interrompant
Moi aussi, quand j’étais petite j’accompagnais mon grand père aux puces … Il était brocanteur … J’adorais ça.
Ghyslaine la regarde, surprise avant de répondre
Ghyslaine, rêveuse
C’est un peu ça, oui …
Mais déjà Germaine enchaîne
Germaine
L’eau a l’air très bonne. Vous venez vous baigner aussi ?
Ghyslaine
Non, pas maintenant.
Germaine
Et bien, à tout à l’heure.
Et laissant Ghyslaine, elle se dirige vers la plage, enlève sa serviette qu’elle allonge sur le sable.
Et, se tournant vers Ghyslaine qui la regarde
Germaine
Mon mari n’est pas un mauvais bougre, vous savez. Vous devriez venir boire un pastis avec nous. Je suis sûre que ça lui ferait plaisir.
Et sans attendre la réponse, elle se dirige vers l’eau et commence à nager dans la Loire.
Ghyslaine, rêveuse, la regarde.
32. Devant le château. Extérieur. Soir.
La voiture de Pierre Henri et d’Anémone se gare devant l’entrée du château et Pierre Henri en sort au moment où Ghyslaine revient au château et, les voyant, se dirige vers eux.
Ghyslaine
Justement je vous cherchais, mais vous n’étiez pas au camping. Mais pourquoi avoir pris la voiture, le camping est vraiment tout prêt.
Pierre Henri
C’est vrai, mais nous venions vous inviter à dîner.
Ghyslaine
Pourquoi ? Je crois que nos cuisiniers ont préparé un très bon dîner.
Pierre Henri
Je t’en prie, les meilleures plaisanteries sont les plus courtes.
Ghyslaine
Que veux-tu dire ?
Pierre Henri
Dîner avec mes ouvriers n’est pas exactement les vacances que je souhaite.
Ghyslaine
Tu as tort, je les trouve charmants.
Pierre Henri
Ça, c’est encore à voir.
Ghyslaine
De toutes les façons, je ne peux pas ne pas y être. Après tout, c’est nous qui recevons et ça ne dure qu’une semaine.
Pierre Henri la regarde, ne sachant que penser.
Puis, avec un haussement d’épaules, il remonte dans sa voiture
Pierre Henri
Après tout, si ç’a t’amuse.
Et il démarre.
33. Voiture. Intérieur. Soir.
Pendant que la voiture s’éloigne du château,
Anémone
Tu comprends ce qui se passe, toi ?
Pierre Henri
La seule chose que je comprends, c’est que tous les aristos sont dégénérés. On aurait dû tous les guillotiner.
Anémone éclate de rire
Pierre Henri
Pourquoi tu ris ?
Anémone
Pourquoi veux-tu absolument racheter leur château alors ?
Pierre Henri
Parce qu’ils sont incapables de s’en occuper. Tandis que moi …
Anémone
La nouvelle noblesse quoi, celle de l’argent, pas de la guerre.
Pierre Henri lui jette un regard noir, mais ne répond pas.
34. Camping. Extérieur. Soir.
La place centrale du camping est transformée en grande salle à manger, éclairée par des torches.
Une table centrale est couverte de plats de toutes sortes, et les campeurs se servent avant d’aller s’installer à des petites tables pour manger.
Le dîner est animé et les campeurs sont heureux.
Pénélope et Karim, habillés normalement, sont seuls à une table un peu isolée et mangent en se regardant, troublés par l’attirance qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
Ghyslaine, vêtue comme sous Louis XIV, circule de table en table, s’enquerrant auprès des campeurs “si tout va bien”. Brusquement elle aperçoit sa fille et Karim et marque une légère hésitation avant de leur tourner ostensiblement le dos pour se diriger vers une autre table où se trouvent le syndicaliste et sa femme.
En la voyant arriver, le syndicaliste lui demande
Syndicaliste
Je peux vous offrir un verre de vin.
Ghyslaine lui adresse un sourire forcé, mais déjà le syndicaliste enchaîne
Syndicaliste, avec ironie
Pas maintenant, je sais.
Puis avec agressivité
Syndicaliste
Vous refusez de trinquer avec nous, c’est ça ?
Ghyslaine, agressive à son tour
Je préfère le thé. Que voulez-vous à chacun son goût !
Surpris, le syndicaliste ne sait que répondre
Ghyslaine
Mais je vous souhaite un bon appétit.
Et elle s’éloigne avec un petit hochement de tête.
Le syndicaliste la regarde s’éloigner sans rien dire.
Germaine
Tu l’as bien cherché.
Syndicaliste, agressif
Qu’est-ce que tu veux dire ?
Germaine
Qu’est-ce qu’elle t’a fait ? Moi je la trouve plutôt sympathique.
Syndicaliste
Sympathique … Tu ne comprends pas qu’ils sont en train, le patron et elle, de nous préparer un mauvais coup.
Germaine
Pourquoi, ils ont demandé quelque chose au syndicat en échange de cette semaine de camping ?
Syndicaliste
Non, mais ….
Germaine
Mais quoi ?
Syndicaliste
J’aime pas ce luxe.
Germaine
Moi si.
Syndicaliste
C’est bien ce que je dis. C’est de la perversion.
Germaine
Dis-moi, si ce camping avait été insalubre, tu aurais mis le syndicat en avant.
Syndicaliste
Ça, c’est sûr.
Germaine
Autrement dit, c’est toujours ou trop ou pas assez !
Le syndicaliste la regarde, hésitant, puis, à contre-cœur, répond
Syndicaliste
On peut dire ça comme ça !
35. Camping. Extérieur. Soir.
Ghyslaine continue à se promener au milieu des campeurs attablés.
Elle passe à côté d’une table où six ouvriers, en tenue débraillée, mangent et boivent de bon cœur
Ouvrier 1
Dites-moi, Comtesse, vous croyez vraiment que vous devez porter cette tenue démodée ?
Ghyslaine
Ça vous gêne ?
Ouvrier 1
Moi non, mais j’ai chaud pour vous.
Ghyslaine
C’est la tenue que l’on portait à l’époque où mon ancêtre a créé ce camping.
Ouvrier 1
Depuis, les choses ont changé, non ?
Ghyslaine
Vous avez raison. Mais quand vous étiez petit, vous n’avez jamais voulu imiter vos grands parents ?
Ouvrier 1, troublé
Vu sous cet angle.
Ghyslaine lui adresse un sourire et se dirige vers la tente-cuisine.
Les ouvriers la regardent s’éloigner, et
Ouvrier 1
J’aime assez cette femme. Demain, pour le dîner, je m’habillerai comme elle le veut.
36. Tente-cuisine. Intérieur. Soir.
Ghyslaine entre dans la tente-cuisine où les apprentis cuisiniers, sous la direction du chef cuisinier, nettoient et rangent la vaisselle.
Ghyslaine
Votre nourriture a l’air excellente.
Chef-Cuisinier
Trop bonne pour ces porcs, à mon avis.
Ghyslaine
Comment pouvez-vous dire ça ?
Chef-Cuisinier
Vous avez vu comme ils se goinfrent. Ils ne prennent même pas le temps de goûter ce qu’ils mangent.
Ghyslaine
Peut-être faudrait-il leur apprendre.
Chef-Cuisiner
Que voulez-vous dire ?
Ghyslaine
Vous apprenez bien à vos élèves à apprécier les différentes saveurs.
Le chef-cuisinier la regarde et hoche la tête.
37. Chambre à coucher. Intérieur. Nuit.
Ghyslaine sort de la salle de bains, vêtue d’une grande chemise de nuit et d’un peignoir en soie.
Elle va s’asseoir devant sa table de maquillage et commence à se démaquiller.
Charles, vêtu d’une robe de chambre en soie, allongé sur le lit, lit un livre.
Il pose le livre à côté de lui, regarde sa femme
Charles
Vous aviez raison. Cette idée de camping est stupide. Je vais dire à Pierre Henri que nous arrêtons.
Ghyslaine
Mais pas du tout. En plus, n’oubliez pas, que ce n’est qu’une semaine d’adaptation … de … répétition pourrait-on dire, avant que nous ouvrions vraiment au public.
Et se tournant vers Charles qui la regarde, étonné, elle ajoute
Ghyslaine
Et puis, je commence à m’amuser.
Charles, surpris
Pardon ?
Ghyslaine
Nous allons organiser une autre fête pour demain soir.
Charles
Mais enfin, ma chère, vous n’y pensez pas.
Ghyslaine
Pourquoi ?
Charles
Pierre Henri m’a déjà fait savoir qu’il trouvait le coût de vos musiciens excessifs.
Ghyslaine
Et bien, nous nous passerons d’eux.
Charles, outré
Une fête sans musiciens ?
Ghyslaine
Je suis sûre que notre ami syndicaliste trouvera une solution.
Charles
Mais vous n’y pensez pas !
Ghyslaine
Peut-être que si nos ancêtres y avaient pensé, il n’y aurait pas eu de révolution.
Charles la regarde, affolé.
Ghyslaine se tourne vers lui, lui fait un grand sourire et
Ghyslaine
Prenons modèle sur notre fille et refaisons l’histoire à notre manière, c’est à dire telle qu’elle aurait dû être.
TROISIEME JOURNÉE.
38. Château. Salle de musique. Intérieur. Jour.
Ghyslaine joue quelques notes de musique sur une harpe. Puis elle s’arrête, va s’asseoir devant un clavecin, et recommence à jouer quelques notes.
Elle hésite, regarde la harpe, puis le clavecin, la harpe et finalement recommence à jouer sur le clavecin.
39. Camping. Estrade devant la tente- cuisine. Jour.
Ghyslaine, vêtue normalement, indique à deux marmitons une petite estrade où installer le clavecin.
Puis elle s’assied devant le clavecin, et commence à jouer.
Peu de temps après, le syndicaliste arrive et s’approche d’elle.
Syndicaliste
C’est quoi, ça ?
Sans s’arrêter de jouer, Ghyslaine répond
Ghyslaine
Un clavecin.
Syndicaliste
Un clavecin ?
Ghyslaine
Oui, un instrument de musique.
Le syndicaliste hoche la tête,
Syndicaliste
Et vous voulez faire danser mes camarades ouvriers sur cette musique ?
Ghyslaine
Pourquoi pas ? Mes ancêtres aimaient cette musique.
Syndicaliste
Oui, mais les choses ont évolué ma p’tite dame !
Ghyslaine, ironique
Les choses, peut-être, mais pas le p’tit peuple, comme vous dites !
Et elle s’arrête de jouer, se lève et s’éloigne, laissant le syndicaliste sans voix.
40. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine s’éloigne de la tente-cuisine, mais est rattrapée par Germaine
Germaine
C’est vous qui jouiez ?
Ghyslaine
Oui.
Germaine
J’aurais tellement aimé apprendre la musique.
Ghyslaine
Ce n’est pas l’avis de votre mari apparemment.
Germaine
Lui ? Quand je l’ai connu, il faisait partie de la fanfare de l’usine.
Ghyslaine, étonnée, regarde Germaine.
Mais au même moment, venant de devant la tente-cuisine où se trouve l’estrade, on entend un morceau de musique classique joué sur le clavecin.
Ghyslaine et Germaine retournent vers la tente-cuisine, et regardent, sur l’estrade, le syndicaliste jouer du clavecin.
Quand il a fini de jouer, Ghyslaine applaudit.
Le syndicaliste, surpris, se retourne
Ghyslaine
Vous m’aviez caché ce talent.
Le syndicaliste, gêné
Syndicaliste
Excusez-moi, je n’aurais pas dû.
Ghyslaine
Au contraire. Et je suis très impressionnée.
Le syndicaliste ne sait que répondre.
Ghyslaine s’approche alors de lui
Ghyslaine
Et si vous jouiez pour vos camarades, ce soir.
Syndicaliste
Moi ? Mais vous n’y pensez pas.
Ghyslaine
Si, justement. Vous pourriez aussi demander à d’autres musiciens et improviser un petit orchestre.
Syndicaliste
Les autres ne savent pas jouer.
Ghyslaine
Moi si !
Syndicaliste
Et vous voudriez … ?
Ghyslaine, ironique
Pourquoi ? Vous ne m’en croyez pas capable ?
Syndicaliste
J’ai pas dit ça.
Ghyslaine
Alors ?
Le syndicaliste la regarde, sans répondre.
41. Devant la tente du syndicaliste. Extérieur. Jour.
Ghyslaine et le syndicaliste sont assis devant la tente du syndicaliste et boivent un pastis.
Le syndicaliste lève son verre
Syndicaliste
Santé.
Ghyslaine lève son verre en retour et boit en même temps que lui
Syndicaliste
Ça vaut bien une tasse thé, non ?
Ghyslaine, avec un sourire
C’est différent.
Le syndicaliste répond à son sourire, et boit une nouvelle gorgée, imité par Ghyslaine.
42. Camping. Extérieur. Soir.
Les campeurs, vêtus normalement en tenue négligée actuelle, mangent, boivent, riant et parlant fort, installés autour des tables dressées pour eux, devant la tente-cuisine où se trouve l’estrade. Sur l’estrade, le clavecin et la harpe.
Et brusquement, Ghyslaine et le Syndicaliste, tous deux habillés comme au temps de Louis XIV, arrivent sur l’estrade et s’installent devant les instruments de musique.
Leur arrivée provoque la surprise et un grand silence se fait.
Et Ghyslaine et le syndicaliste commencent à jouer un morceau de musique classique.
Les campeurs les écoutent en silence, trop surpris pour réagir.
Puis, à la fin du morceau, tout le monde applaudit très fort et des cris fusent
Campeur 1
Un autre.
Campeur 2
Encore.
Ghyslaine et le Syndicaliste se regardent, se sourient, et recommencent à jouer.
Et des campeurs se lèvent, vont sur la piste de danse et commencent à danser maladroitement sur cette musique du XVIII° siècle.
Tout en jouant le morceau classique, le syndicaliste change de rythme, de façon à ce que cette musique soit plus “dansante”.
Ghyslaine le regarde, et change aussi de rythme. Et, très vite, la musique devient une musique actuelle, endiablée, au grand bonheur des campeurs.
Pénélope, vêtue de sa tenue de cavalière, arrive à ce moment avec Karim, regarde sa mère, abasourdie. Mais déjà Karim la prend par la main et l’entraîne sur la piste de danse. Et tous deux commencent à danser avec les campeurs.
Pris au jeu, Ghyslaine et le syndicaliste continuent à jouer, heureux, complices, s’amusant beaucoup.
Charles, Pierre Henri et Anémone, tous trois vêtus normalement, arrivent à ce moment dans le camping et s’arrêtent, interdits, devant ce spectacle.
43. Château. Salon. Intérieur. Nuit.
Charles et Ghyslaine sont dans leur salon.
Charles
Mais enfin, ma chère, qu’est-ce qui vous a pris de vous prêter à cette … cette … mascarade !
Ghyslaine
Ça ne vous a pas plu ? Pourtant, moi je me suis bien amusée.
Charles, outré
Mais enfin, ma chère, vous vous êtes donnée en spectacle.
Ghyslaine
Et alors ?
Charles
Mais votre rang …. avec ces manants.
Ghyslaine
Vous devriez relire la vie de Marie Antoinette…. Saviez-vous qu’elle avait même joué dans une pièce de théâtre ?
Charles
Je vous en prie, ne soyez pas ridicule.
Ghyslaine
Et oui, c’est déjà ce que disait la petite noblesse de cour.
Charles
Vous connaissez la suite …
Ghyslaine
Peut-être vaut-il mieux être guillotiné que pauvre.
Charles la regarde, ne sachant que répondre.
44. Tente du syndicaliste. Extérieur. Nuit.
Le syndicaliste, toujours habillé en tenue du XVIII° siècle, est assis devant sa tente, buvant une bière.
Germaine, sa femme, entr’ouvre le rideau de la tente
Germaine
Qu’est-ce que tu fais ? Tu ne viens pas te coucher ?
Le syndicaliste ne répond pas, perdu dans ses pensées.
Germaine sort alors de la tente et va s’asseoir en face de lui.
Sans un mot, le syndicaliste se penche vers la glacière posée à côté de lui, en sort une canette de bière et la tend à sa femme.
Germaine prend la canette, l’ouvre, boit une gorgée, et
Germaine
Qu’est ce qui se passe ? C’est la baronne ?
Le syndicaliste la regarde, hésitant
Syndicaliste
Qu’est ce que tu veux dire ?
Germaine, tendrement
Je te connais, tu sais…
Mais comme le syndicaliste ne répond pas, elle continue d’une petite voix
Germaine
Que tu t’amouraches tous les six mois d’une ouvrière jeune et jolie, je comprends. Mais d’une baronne …
Le syndicaliste, avec une légère hésitation
Syndicaliste
Mais qu’est-ce que tu vas imaginer.
Germaine
Je ne voudrais pas que tu souffres.
Le syndicaliste la regarde en silence, plus troublé qu’il ne veut le paraître
Germaine
Tes aventures avec les ouvrières, c’est une sorte de droit de cuissage du syndicat, comme disent tes copains. Mais je sais que ça ne porte pas à conséquence. Toi, tu passes un bon moment, et ensuite, tu obtiens aux filles ce qu’elles demandent… Mais là, tu ne peux rien donner.
Syndicaliste
Je t’en prie. On ne va pas reparler de ça.
Germaine
Bien sûr que non. Tu sais bien que je t’ai pardonné. Mais tu es un passionné, tu as toujours besoin de t’enflammer. Et là, tu me fais peur.
Syndicaliste
Mais il n’y a rien entre elle et moi. Je ne suis même pas sûr que dans un mois elle se souvienne encore de moi.
Germaine
Justement.
Syndicaliste, rêveur
Mais elle joue bien de la harpe. Et ce qu’elle a fait ce soir … Chapeau !
Germaine
Tu t’es pas mal débrouillé non plus. J’ignorais que tu savais jouer du clavecin.
Syndicaliste
C’est pas très différent du piano.
Germaine
Le son est différent, en tout cas.
Ils boivent tous les deux en silence.
Puis, le syndicaliste pose sa canette vide sur la table, se penche pour prendre une autre bière en demandant
Syndicaliste
Tu en veux une autre ?
Germaine
J’ai pas encore fini.
Le syndicaliste prend alors une seule canette, l’ouvre et boit une gorgée.
Puis,
Syndicaliste
Pour une fois, je ne crois pas que cette mascarade soit une entourloupe de la direction.
Germaine
Je dois dire que le patron a eu l’air encore plus surpris que toi.
Syndicaliste
Tu crois que ça se passait comme ça ?
Germaine
Quoi ?
Syndicaliste
Les campings, avant la révolution ?
Germaine le regarde, surprise.
Puis, se reprenant
Germaine
Donne-moi une autre bière.
Le syndicaliste la regarde, sourit, prend une autre canette dans la glacière et la tend à sa femme
Syndicaliste
Finalement, je crois que j’ai bien fait de t’épouser.
Et en souriant ils trinquent tous les deux, en cognant leurs canettes de bière.
45. Ecuries. Intérieur. Nuit.
Pénélope, portant un petit sac à dos, entre dans le box de son cheval, s’approche de sa tête, et la caresse tendrement.
Mais brusquement un bruit la fait sursauter et elle se retourne pour découvrir Karim qui la regarde, tout aussi étonné qu’elle
Pénélope
Tu m’as fait peur.
Karim
Mais qu’est-ce que tu fais là ?
Pénélope
Et toi ?
Karim
Moi, je dors ici … Enfin juste à côté.
Pénélope
C’est vrai. Je l’avais oublié. Je venais juste dire bonsoir à mon cheval.
Karim, souriant
Seulement au cheval ?
Pénélope le regarde, hésite, puis répond à son sourire, enlève son sac à dos et prend dans le sac une bouteille de whisky
Pénélope
J’ai apporté à boire.
Karim
Je ne bois pas d’alcool. Mais j’ai du coca si tu veux.
46. Devant l’écurie. Extérieur. Nuit.
Ils sont assis par terre, appuyés contre un mur de l’écurie. Posé à côté d’eux deux verres, une bouteille de coca et la bouteille de whisky.
Karim prend un verre, sert du coca et le tend à Pénélope qui le prend mais rajoute du whisky dedans.
Puis elle en propose à Karim qui vient aussi de se servir un verre du Coca
Pénélope
Tu n’en veux pas un peu dans ton coca ?
Karim
Non, vraiment.
Ils trinquent en silence, boivent chacun une gorgée, et restent là, les yeux dans le vague, regardant le ciel étoilé devant eux.
Karim
Tu connais le vers de Victor Hugo : le vers de terre amoureux d’une étoile …
Pénélope, tendrement
Il ne parle pas d’une étoile dans le ciel.
Karim
Je sais.
Pénélope le regarde en silence, ne sachant que répondre.
Karim, timide, la regarde avec un grand sourire et lentement approche son visage du sien.
Pénélope ne bouge pas, attendant que ses lèvres touchent les siennes, et ils s’embrassent avec passion.
47. Chambre Charles-Ghyslaine. Intérieur. Nuit.
Ghyslaine est en train de se démaquiller,
installée devant sa table “boudoir”.
Charles sort de la salle de bains, vêtu d’un pyjama en soie.
Ghyslaine, le regarde dans la glace, tout en continuant à se démaquiller
Ghyslaine
Vous pensez vraiment que Pierre Henri n’est pas content ?
Charles
Pierre Henri, je ne sais pas, mais Anémone insiste pour qu’ils s’en aillent.
Ghyslaine
Mais pourquoi ?
Charles
Vous voulez vraiment le savoir ?
Ghyslaine se retourne vers lui
Ghyslaine
Et vous, qu’est-ce que vous pensez de tout ça ?
Charles
Je pense que nous devrions nous occuper un peu de Pierre Henri. Après tout, c’est encore lui qui paie.
Changeant de ton, hésitant, il la regarde et s’approche d’elle lentement
Charles
Mais … je dois dire que vous m’avez surpris.
Et arrivé devant elle, il se penche et l’embrasse sur le front.
Surprise, Ghyslaine, troublée, le regarde et éclate de rire.
Charles
Quoi ?
Ghyslaine prend un coton démaquillant sur sa commode “boudoir” et lui essuie tendrement les lèvres tachées de maquillage
Ghyslaine
Vous devriez attendre que je sois démaquillée.
Charles et Ghyslaine se regardent amoureusement.
QUATRIEME JOURNÉE.
48. Camping. Extérieur. Matin.
Les élèves cuisiniers installent les tables pour les petits déjeuners et les premiers campeurs s’installent, encore endormis, et commencent à manger de bon appétit les croissants et brioches posés sur les tables.
Le syndicaliste et sa femme se joignent aux premiers campeurs et commencent aussi à manger.
Campeur 1
Dis-moi, Christophe, qu’est-ce que tu nous réserves pour ce soir ?
Le syndicaliste le regarde, étonné
Syndicaliste
Qu’est-ce que tu veux dire ?
Campeur 1
Ben oui, qu’est-ce qu’il y a comme fête au programme de ce soir ?
Syndicaliste
Rien que je sache. Pourquoi ?
Campeur 1
Parce qu’on s’était dit, avec les copains, que c’est peut-être à nous d’organiser une fête.
Syndicaliste, inquiet
Et à quoi vous pensez ?
Campeur 1
Ben justement, on voulait savoir si t’avais pas une idée.
Le syndicaliste le regarde, sans savoir que répondre.
Germaine
Oui, c’est une bonne idée. On pourrait faire un barbecue et inviter … le patron et la noblesse à notre tour.
Syndicaliste
Pourquoi ?
Germaine
Ils font des efforts pour nous, on peut leur montrer qu’on est sensibles à leur gentillesse.
Le syndicaliste, rêveur, regarde sa femme, puis les campeurs.
Syndicaliste
J’ai peut-être une meilleure idée.
49. Château. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, vêtue d’une tenue “normale”, sort du château et regarde sa fille sortir de l’écurie sur son cheval et se diriger au trot vers le camping, suivie par Karim qui court à ses côtés.
Apercevant sa mère, Pénélope lui fait un petit signe et crie
Pénélope
Je suis en retard pour les cours d’équitation.
Ghyslaine répond à son geste et la regarde s’éloigner en souriant.
Charles sort à son tour et rejoint Ghyslaine sur le perron du château.
Charles
Toujours d’accord pour ce soir ?
Ghyslaine le regarde et hoche la tête en souriant.
50. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, vêtue d’une façon actuelle, se promène dans le camping, vérifiant que tout va bien.
Elle s’arrête un moment devant les marmitons qui installent les tables pour le déjeuner.
51. Bord de la Loire. Extérieur. Jour.
Puis elle se dirige lentement vers les bords de la Loire où elle regarde les campeurs (dont le Syndicaliste et sa femme) se baigner et prendre le soleil.
Et, surprise, elle regarde quatre campeurs, totalement ridicules, en bermuda et maillot de bain, s’entraîner, sur la plage, à faire les “figures de danse” que Charles et elle faisaient le premier jour, lors du bal XVIII° siècle.
L’apercevant, un campeur l’appelle
Campeur
Hé, princesse, vous pouvez nous aider, s’il vous plait.
Ghyslaine s’approche d’eux, au bord du fou rire.
Campeur
Voilà, on essaie de faire comme vous, mais c’est pas commode. Tenez, on va vous montrer et vous nous direz ce qui va pas.
Les quatre campeurs commencent à faire mécaniquement les “figures de danse” du XVIII° siècle.
Mais très vite, toujours au bord du fou rire, Ghyslaine les interrompt
Ghyslaine
Non, pas comme ça. Tenez, regardez.
Elle se met en place, et esquisse les mouvements avec grâce.
Puis
Ghyslaine
Allez, à vous maintenant.
Et, pendant que les campeurs imitent laborieusement les figures, elle compte pour donner le rythme.
Ghyslaine
1, 2, 3, 4 … Oui, c’est ça, 1, 2, 3, 4 … Voilà c’est bien. Continuez comme ça.
Et elle les laisse à leurs répétitions.
52. Fond du parc, en bordure du Camping. Extérieur. Jour.
Puis, revenant vers le château, elle marque aussi un temps d’arrêt pour regarder sa fille donner une leçon d’équitation à un gros campeur maladroit.
53. Salle à Manger du Château. Intérieur. Soir.
Quatre couverts sont agréablement disposés sur la grande table de la salle à Manger.
Ghyslaine regarde une dernière fois si tout est en ordre et se dirige vers la fenêtre et regarde le jour se coucher sur le parc.
54 Camping. Extérieur. Soir.
Le syndicaliste sort de sa tente vêtu comme au XVIII° siècle, s’arrête, regarde autour de lui les autres tentes et se retourne pour appeler sa femme
Syndicaliste
Germaine, tu es prête ?
Germaine off
Tout de suite. J’arrive.
Le syndicaliste hoche la tête et fait quelques pas devant la tente en attendant.
55. Salle à manger Château. Intérieur. Soir.
Ghyslaine, habillée normalement, regarde par la fenêtre en souriant et, entendant un bruit de voiture, arrange rapidement de la main ses cheveux et sort de la salle à manger.
56. Devant la Château. Extérieur. Soir.
Pierre Henri et Anémone descendent de la Jaguar garée devant les escaliers menant à la porte d’entrée du Château au moment où Ghyslaine sort du château et les attend en souriant au haut des marches.
Arrivés devant Ghyslaine, Anémone et Pierre Henri l’embrassent et la suivent dans le château.
57. Camping. Extérieur. Soir.
Germaine sort de sa tente vêtue elle aussi comme au XVIII° siècle.
Le Syndicaliste la regarde en souriant
Syndicaliste
Rien à dire. Ça te va bien.
Flattée, Germaine sourit, heureuse et attend devant sa tente.
Le Syndicaliste la regarde, étonné, puis, comprenant, s’approche d’elle et lui tend son bras.
Et tous les deux se dirigent vers la tente-cuisine.
58. Salon Château. Intérieur. Soir.
Charles sert du champagne à Anémone, Pierre Henri et Ghyslaine.
Ghyslaine lève son verre et
Ghyslaine
A notre camping !
Pierre Henri la regarde, hésite, puis lève son verre en se forçant à sourire.
Charles et Anémone lèvent aussi leurs verres.
59. Devant la tente-cuisine. Extérieur. Soir.
Le syndicaliste et sa femme arrivent devant la tente-cuisine où tous les campeurs, vêtus comme au XVIII° siècle, boivent de la bière et du vin en attendant de passer à table.
En voyant le syndicaliste arriver, un des campeurs lève son verre de bière
Campeur
Santé, camarade.
Le syndicaliste répond par un petit geste de la main, se dirige vers le buffet, et sert un verre de vin qu’il tend à sa femme avant de se servir aussi.
Un campeur s’approche alors de lui,
Campeur
On peut manger maintenant ?
Syndicaliste
Non, pas avant l’arrivée de la baronne.
Le campeur hoche la tête et se ressert un verre de vin.
60. Salon Château. Intérieur. Soir.
Ghyslaine, Anémone, Charles et Pierre Henri boivent tranquillement leurs coupes de champagne.
Puis Pierre Henri repose sa coupe sur la table
Pierre Henri
Alors, si vous nous disiez ce qui nous vaut l’honneur de ce dîner ?
Ghyslaine
Pourquoi ? Il faut une raison pour un dîner entre amis ?
Pierre Henri
Disons que depuis quelque temps, je m’attends au pire.
Ghyslaine, souriante
Tu as tort. Nous voulions simplement vous proposer de vous installer dans le château avec nous.
Anémone
C’est à dire que nous pensions partir demain pour passer une semaine dans notre maison des Caraïbes.
Ghyslaine
L’expérience camping ne te plait pas ?
Anémone
Disons que je n’ai plus l’âge.
Pierre Henri
Non, ce n’est pas seulement une question d’âge …
Ghyslaine
Je sais. Disons que vous ne voulez pas mélanger travail et loisir.
Anémone
On peut dire ça comme ça.
Ghyslaine
C’est ça. Gagner de l’argent avec l’usine, oui, mais vivre dans l’usine, non.
Pierre Henri et Anémone la regardent, sans savoir exactement comment réagir.
61. Devant la tente-cuisine. Extérieur. Soir.
Les campeurs boivent, s’excitant de plus en plus.
Un campeur, manifestement énervé, interpelle le syndicaliste
Campeur 1
On va attendre encore longtemps. Je meurs de faim.
Campeur 2
Moi aussi. On était d’accord avec toi pour jouer le jeu, mais là, ça commence à bien faire.
Campeur 3
Tu es sûr qu’elle viendra ?
Syndicaliste
Mais oui, elle est toujours là pour vérifier que tout va bien pour nous.
Germaine
Et si on allait la chercher.
Campeur 1
Bonne idée. Allons la chercher, comme ça on pourra dîner.
62. Salon château. Intérieur. Soir.
Ghyslaine, Anémone, Charles et Pierre Henri sont assis dans le salon, continuant à boire du champagne.
Ghyslaine
Tu devrais penser à ma proposition, Pierre Henri, je suis sûre que ce camping peut te rapporter gros. Et l’expérience que nous faisons avec tes ouvriers prouve que l’idée est bonne.
Comme Pierre Henri ne réagit pas, elle insiste
Ghyslaine
Rappelle-toi ce que tu disais du Club Med quand ils ont ouvert leur premier club …
Mais Ghyslaine est interrompue par des cris venant du parc et qui se rapprochent du château.
Elle se lève et s’approche des fenêtres
Ghyslaine
Mais enfin, qu’est-ce qui se passe ?
Ghyslaine regarde par la fenêtre et pousse un cri
Ghyslaine
Oh mon Dieu !
Charles, Anémone et Pierre Henri se précipitent à leur tour vers les fenêtres et regardent.
Anémone
Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Charles, sinistre
Une révolution, ma chère.
Pierre Henri, furieux
Une revendication syndicaliste, plutôt !
Et les quatre personnages regardent les campeurs, habillés comme au XVIII° siècle s’approcher en groupe du château en hurlant
Les campeurs
La noblesse, avec nous ! La noblesse, avec nous !
Et brusquement la porte du salon s’ouvre malgré les efforts du majordome pour les arrêter et le syndicaliste, suivi de nombreux campeurs, entre, s’arrête, regarde les quatre personnages, et s’adressant à Ghyslaine avec une révérence
Syndicaliste
Duchesse, le repas est servi et vos invités vous attendent pour dîner.
Pierre Henri, outré
Mais enfin, qu’est-ce que ça veut dire ?
Mais les campeurs qui sont derrière le Syndicaliste l’empêchent de répondre en hurlant
Les campeurs
On a faim ! On a faim ! On a faim !
63. Parc. Extérieur. Soir.
Entourés par les campeurs, Ghyslaine, Charles, Anémone et Pierre Henri sont littéralement poussés vers le camping.
Ghyslaine et Anémone se laissent faire, trop surprises pour essayer de réagir.
Charles et Pierre Henri sont furieux et essaient de résister, mais ils sont violemment poussés par les campeurs. Et les protestations des deux hommes sont couvertes par les cris des campeurs qui continuent à crier
Campeurs
On a faim ! On a faim ! On a faim ! …
Ghyslaine, tout en marchant, se tourne vers le chef syndicaliste
Ghyslaine
Pourquoi faites-vous ça ?
Syndicaliste
Le peuple a faim.
Ghyslaine le regarde, sans comprendre
Syndicaliste, ironique continue
Et manger sans la noblesse, ne serait pas poli.
64. Camping. Devant la tente-cuisine. Extérieur. Soir.
Ils s’installent tous, mais sans s’asseoir, devant les tables mises et, les marmitons, bien que prêts à servir, attendent un signe du chef cuisinier.
Le syndicaliste s’incline devant Ghyslaine et
Syndicaliste
Duchesse, si vous voulez bien me suivre.
Il la conduit à la table centrale, tire sa chaise pour qu’elle s’assoie et, en aparté lui dit
Syndicaliste
Vous auriez pu vous habiller. Cette tenue négligée est indigne de votre rang.
Ghyslaine, surprise, le regarde et éclate de rire, imitée par le syndicaliste.
Pierre Henri, Charles et Anémone les regardent, trop surpris pour savoir quelle attitude prendre, pendant que les campeurs, surpris eux aussi se taisent.
Ghyslaine s’arrête de rire, regarde cette foule silencieuse, puis s’assied confortablement dans la chaise avancée par le Syndicaliste, le regarde et dit
Ghyslaine
J’ai soif !
Le Syndicaliste, avec un sourire, prend une bouteille de vin, sert le verre de Ghyslaine et repose la bouteille en attendant qu’elle boive.
Ghyslaine prend son verre et regarde le Syndicaliste
Ghyslaine
Trinquons !
Le Syndicaliste esquisse un sourire, se sert un verre de vin et lève son verre, imité par Ghyslaine.
Les cris de joie des campeurs répondent à son geste et, dans un brouhaha indescriptible, tous s’installent à leurs tables pendant que les marmitons commencent à servir.
Pierre Henri, furieux, s’approche alors du syndicaliste
Pierre Henri
Vous trouvez ça drôle ?
Syndicaliste
Nous refaisons l’histoire, c’est tout !
Pierre Henri, furieux, ne sait que répondre. Et, tournant brusquement le dos, il prend sa femme par le bras en disant
Pierre Henri
Viens, partons.
Charles esquisse un geste pour les arrêter, mais se ravise et rejoint Ghyslaine.
En le voyant arriver, le Syndicaliste remplit un autre verre de vin et le lui tend. Charles hésite, puis prend le verre et, ironique, regarde le syndicaliste en disant
Charles
Vous croyez vraiment que ça s’est passé comme ça ?
Syndicaliste
Quelle importance. C’est l’interprétation qu’on fait du passé qui compte, pas la réalité.
Et il lève son verre en direction de Charles qui, après une légère hésitation, l’imite.
Et tous deux boivent sous le regard amusé de Ghyslaine.
65. Chambre à coucher Ghyslaine-Charles. Intérieur. Nuit.
Ghyslaine, assise devant sa table de maquillage, finit de se démaquiller.
Charles sort de la salle de bains et se dirige vers le lit.
Ghyslaine
Finalement on a passé une bonne soirée, tu ne trouves pas.
Charles
Moi ce qui m’inquiète c’est le départ de Pierre Henri.
Ghyslaine
Tu le connais, il n’est jamais content. Et puis je suis sûre que le fait que ses ouvriers se soient habillés comme au XVIII° siècle prouve que mon idée est bonne. Et ça, ça ne doit pas lui plaire.
Charles
Pourquoi ?
Ghyslaine
Parce qu’on va gagner beaucoup d’argent et qu’il ne pourra pas nous voler le château.
Charles
Pour l’instant, c’est quand même lui qui nous finance.
Ghyslaine
Oui, pour l’instant …
Surpris par le ton de sa femme, Charles s’approche d’elle
Charles
Que veux-tu dire ?
Ghyslaine se tourne vers son mari et le regarde innocemment
Ghyslaine
Juste ce que je viens de dire. Bientôt, nous n’aurons plus besoin de son argent.
Charles
Tu sembles bien sûre de toi.
Ghyslaine
C’est comme ça que mon aïeul a fait fortune. Pourquoi pas nous ?
Charles la regarde, hésite, puis hausse les épaules, retourne vers le lit et se couche pendant que Ghyslaine termine de se démaquiller.
CINQUIEME JOURNÉE.
66. Jardin du Château. Extérieur. Matin.
Charles et Ghyslaine prennent leur petit déjeuner dans le jardin, face au parc.
Et, arrivant du fond du parc, le Syndicaliste se dirige vers eux.
Charles
Tiens, nous avons de la visite.
Ghyslaine regarde dans la direction indiquée par son mari, aperçoit le syndicaliste et murmure
Ghyslaine
Qu’est-ce qu’il peut bien vouloir ?
Charles
Nous allons le savoir … Mais si vous ne vous étiez pas montrée si familière avec lui …
Ghyslaine
Comment pouvez-vous dire ça !
Charles
Attendons de voir ce qu’il veut et nous verrons si j’ai raison.
Et calmement il se ressert une tasse de café et la boit en attendant que le syndicaliste arrive à côté d’eux.
Syndicaliste, timide
Madame la Duchesse, Monsieur le Duc …
Ghyslaine, l’interrompant
Je vous en prie, ne soyez pas aussi protocolaire. Voulez-vous une tasse de café ?
Syndicaliste, mal à l’aise
Non merci. Je … Je voulais …. nous excuser pour hier soir.
Et comme ni Charles, ni Ghyslaine ne parlent, il continue en prenant au fur et à mesure de l’assurance
Syndicaliste
Mais, vous comprenez, quand on a compris que vous ne viendriez pas, les camarades se sont énervés. Après tout, ils s’étaient tous déguisés pour vous faire plaisir …
Ghyslaine
Vous avez raison. J’aurais dû être là.
Syndicaliste
Non, enfin oui, vous auriez dû me prévenir pour que je ne les laisse pas organiser cette petite fête en votre honneur.
Ghyslaine, troublée
Vous ne voulez vraiment pas une tasse de café ?
Syndicaliste, mal à l’aise
Merci, j’ai déjà pris mon petit déjeuner. … Mais vous savez, votre camping, finalement c’est une bonne idée.
Et, brusquement, il leur tourne le dos et repart d’un bon pas en direction du camping.
Ghyslaine le regarde partir puis se tourne vers son mari avec un grand sourire.
67. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, vêtue normalement, traverse le camping, passant devant sa fille qui donne un cours d’équitation à Germaine, des campeurs attablés devant des tables à côté de la tente-cuisine qui mangent, d’autres qui jouent aux boules, …
Elle arrive devant la tente du syndicaliste qui, allongé sur une chaise longue, lit un roman policier.
Comme il ne l’entend pas arriver, elle s’arrête devant lui et demande
Ghyslaine
Vous m’offrez un pastis ?
Surpris, le syndicaliste lève les yeux, la voit et répondant à son sourire
Syndicaliste
J’ai aussi du thé, si vous préférez.
68. Devant la tente du syndicaliste. Extérieur. Jour.
Ghyslaine et le Syndicaliste sont assis devant une table, des verres de pastis posés devant eux.
Ghyslaine prend son verre, boit une gorgée, et
Ghyslaine
Pour ce soir, qu’est-ce qui pourrait faire plaisir à … vos … Camarades ?
Syndicaliste, ironique
C’est si difficile à dire ?
Ghyslaine
Disons, manque d’habitude.
Le Syndicaliste hoche la tête avant de répondre
Syndicaliste
Ne vous croyez pas obligée.
Ghyslaine
Ça me fait plaisir … et puis je voudrais me faire pardonner.
Syndicaliste
Le patron sera là ?
Ghyslaine
Je l’ignore.
Syndicaliste, haussant les épaules
Après tout, quelle importance.
Il prend son verre, boit une gorgée et, avec un sourire, dit
Syndicaliste
Soyez naturelle, ça suffira.
69. Devant le Château. Extérieur. Jour.
Ghyslaine arrive à pied devant le château, venant du camping.
Charles sort du château et vient à sa rencontre
Ghyslaine, ironique
Je te manquais ?
Charles
On a un problème, un gros problème.
Ghyslaine
Pierre Henri ?
Charles
Oui. Je viens d’avoir un coup de téléphone de son avocat. Nous avons une semaine pour le rembourser.
Ghyslaine le regarde, et comme Charles laisse la suite de sa phrase en suspend,
Ghyslaine
Ou ?
Charles
Ou il nous oblige à vendre le château.
Ghyslaine
Non, ou il devient propriétaire du château.
Charles hoche la tête affirmativement
Ghyslaine
Le salaud !
70. Salon du Château. Intérieur. Jour.
Ghyslaine et Charles sont assis dans le salon, chacun un verre de whisky à la main.
Ghyslaine boit une grande gorgée de whisky et demande
Ghyslaine
Qu’est-ce qu’on peut faire ?
Charles, accablé
Rien !
Ghyslaine
J’ai peut-être une idée.
Charles
Quoi ?
Ghyslaine
Il veut la guerre, il l’aura !
71. Devant la tente cuisine. Extérieur. Jour.
Ghyslaine arrive dans le camping, devant les tables où plusieurs campeurs sont installés et déjeunent.
Apercevant le Syndicaliste qui boit un verre de vin, seul à sa table, elle s’approche de lui
Ghyslaine
Vous êtes seul ?
Syndicaliste
J’attends ma femme. Mais si vous voulez vous joindre à nous, vous êtes la bienvenue.
Elle s’assied en face du syndicaliste qui prend le pichet de vin posé devant lui et le lui montre avec une mimique interrogative
Ghyslaine
Juste un verre.
Et, pendant que le Syndicaliste la sert, Ghyslaine esquisse un sourire de remerciement, et
Ghyslaine
En quoi consiste votre travail de chef syndicaliste ?
Syndicaliste
Défendre le peuple.
Ghyslaine
Vous ne croyez pas que c’est un peu dépassé.
Syndicaliste
La noblesse et les patrons, c’est pareil.
Ghyslaine
Vous vous trompez. Pourquoi croyez-vous que nous avons fait ce camping ?
Syndicaliste
Caprice de Duchesse.
Ghyslaine
Pas exactement. Besoin d’argent.
Le syndicaliste la regarde, étonné, d’autant plus que Ghyslaine prend son verre de vin et le boit d’un trait.
Ghyslaine
Je dois sauver le château.
Syndicaliste
Pourquoi ? Ce n’est qu’un vestige du passé.
Ghyslaine
Non, c’est un patrimoine dont nous sommes les gardiens.
Syndicaliste
Je connais des concierges plus mal lotis.
Ghyslaine
Vous êtes pitoyable.
Syndicaliste
Hé, je vous ai conseillé d’être naturelle, pas désagréable.
Ghyslaine hausse les épaules, prend le pichet de vin posé sur la table, se ressert un grand verre de vin et le boit à nouveau d’un trait.
Le Syndicaliste, intrigué, la regarde
Syndicaliste
Qu’est-ce qui vous arrive ?
Ghyslaine, tout en se resservant un verre de vin
Le camping, c’est fini.
Syndicaliste
Pourquoi ?
Ghyslaine
Votre patron va racheter notre château.
Syndicaliste
Mais pourquoi ?
Ghyslaine
Nous avons des dettes et Pierre Henri nous oblige à le rembourser, ou …
Brusquement attentif, le syndicaliste demande
Syndicaliste
C’est lui qui a financé le camping ?
Ghyslaine
Oui. Enfin c’était un prêt. Je pensais que cela nous permettrait de nous en sortir.
Ghyslaine vide à nouveau son verre et tend la main pour reprendre le pichet, mais le syndicaliste, plus rapide, prend le pichet
Syndicaliste
S’il vous plait, ne vous donnez pas en spectacle.
Il se lève.
Ghyslaine se lève à son tour
Syndicaliste
Je vais voir ce que je peux faire. Mais en attendant, rentrez chez vous.
Et tous deux s’éloignent des tables où les campeurs mangent.
72. Chambre Ghyslaine. Intérieur. Soir.
Ghyslaine est allongée sur son lit, et se réveille doucement. Charles entre dans la chambre et la regarde.
Ghyslaine se tourne vers lui
Charles
Vous voulez manger quelque chose ?
Ghyslaine
Non, nous allons dîner au camping.
Charles
Croyez-vous que ce soit une bonne idée ?
Ghyslaine
Certainement. Tant que nous sommes encore propriétaires, nous devons assumer notre charge.
Charles la regarde, hésite, puis hausse les épaules et se dirige vers la porte.
Mais Ghyslaine le rappelle
Ghyslaine
Charles, habillez-vous pour la soirée s’il vous plaît.
Charles, étonné
Pardon ?
Ghyslaine
Oui, restons dignes.
Charles
Vous voulez vraiment qu’on se déguise encore.
Ghyslaine
J’y tiens.
Charles la regarde, hésite, puis hausse les épaules, fataliste.
73. Camping. Extérieur. Soir.
Charles et Ghyslaine, habillés comme au XVIII° siècle, traversent le camping en direction du coin salle à manger.
Et là, ils sont surpris de constater que plus de la moitié des campeurs sont aussi habillés comme au XVIII° siècle.
Charles et Ghyslaine se dirigent vers une table libre et s’y installent. Et presque immédiatement, le chef cuisinier s’approche d’eux, une bouteille de vin à la main.
Chef cuisinier
Tenez, goûtez-moi ça et vous m’en direz des nouvelles.
Il pose la bouteille sur la table et
Chef cuisinier
Vous dînez seuls ou vous attendez des amis ?
Ghyslaine
Je ne sais pas. C’est une table de quatre. Peut-être que des campeurs viendront dîner avec nous.
Chef cuisinier
Je n’ai pas encore vu votre fille. Mais d’habitude, elle vient beaucoup plus tard. Vous voulez l’attendre ?
Ghyslaine
Ce n’est pas la peine.
Chef cuisinier
Très bien, je vais demander à un marmiton qu’il s’occupe de vous.
Charles
C’est inutile voyons, nous pouvons très bien aller nous servir.
Chef cuisinier
Je vous en prie. Laissez-les faire leur apprentissage.
Et il se dirige rapidement vers la tente-cuisine.
Ghyslaine le regarde partir, et rêveuse, se tourne vers son mari
Ghyslaine
Il a raison. Le peuple reste le peuple, et les aristocrates, les aristocrates.
Charles
Que voulez-vous dire ?
Ghyslaine
Rien, je pensais à une réflexion du syndicaliste sur le fait que nous devions rester naturels.
Charles la regarde, étonné.
Mais déjà un marmiton s’approche d’eux, un menu à la main
Marmiton
Madame la Duchesse, Monsieur le Duc, voilà la carte de ce soir.
Il leur tend à chacun un menu, et, prenant la bouteille posée sur la table, l’ouvre, met un peu de vin dans le verre de Charles et attend que celui-ci le goûte.
Charles prend son verre, goûte le vin et hoche la tête satisfait.
Le marmiton sert Ghyslaine puis Charles, et
Marmiton
Je vous laisse choisir ce qui vous tente. Je reviens prendre votre commande dans quelques minutes.
Et il s’éloigne, les laissant consulter le menu.
Mais presque immédiatement, Germaine, la femme du syndicaliste, installée à une autre table se lève et se dirige vers eux.
Germaine, timide
Madame …
Ghyslaine lève les yeux du menu et la voit
Ghyslaine
Tiens, Germaine … Vous voulez vous asseoir avec nous ?
Germaine, mal à l’aise
Je … Non merci, je suis avec des amis … Je voulais vous dire … Enfin, mon mari m’a dit de vous dire qu’il devait s’absenter pour la soirée mais qu’il serait de retour demain dans la journée.
Ghyslaine
Rien de grave, j’espère.
Germaine
Non, non … Une petite affaire à régler, m’a-t-il dit. Rien de grave.
Ghyslaine hoche la tête, mais déjà Germaine enchaîne
Germaine
Et bien, passez une bonne soirée. Et bon appétit.
Et très vite elle retourne vers la table où elle dîne avec des campeurs.
Ghyslaine et Charles la regardent partir, étonnés. Puis Charles se tourne vers Ghyslaine
Charles
Vous êtes allé le voir tout à l’heure ?
Ghyslaine
Oui.
Charles
Que lui avez-vous dit ?
Ghyslaine
La vérité. Que nous devions de l’argent à Pierre Henri et qu’il voulait nous prendre le château.
Charles lève les yeux au ciel, manifestement mécontent.
Charles
Mais pourquoi ? Qu’est-ce que vous espériez ?
Ghyslaine
Je ne sais pas. Peut-être qu’il déclenche une grève ou quelque chose comme ça.
Charles
Mais pourquoi ?
Ghyslaine
Pour embêter Pierre Henri.
Charles la regarde, et
Charles
Que vous êtes naïve !
Mais déjà Marmiton revient vers eux et
Marmiton
Vous avez choisi ?
Charles
Pas vraiment. Qu’est-ce que vous nous conseillez ?
Marmiton
Le plat du jour.
Charles
Très bien. Nous vous faisons confiance.
74. Ecurie. Intérieur. Soir.
Pénélope et Karim finissent de brosser le cheval et de le nourrir avant de l’enfermer dans son box.
Karim
A nous, maintenant.
Pénélope
Bonne idée. Je meurs de faim.
Et, partant en courant, elle crie
Pénélope, riant
Le premier arrivé choisit le menu de l’autre.
Karim, riant
Et le dernier doit servir l’autre.
75. Camping. Extérieur. Soir.
Karim et Pénélope arrivent en courant dans le camping, et Karim double Pénélope au moment où ils arrivent dans le coin où sont installées les tables pour le dîner.
Il s’arrête, et riant dit
Karim
J’ai gagné.
Mais Pénélope se fige en découvrant ses parents installés à une table devant eux.
Voyant l’expression de surprise de Pénélope, Karim se retourne brusquement et découvre le Duc et la Duchesse.
Mais déjà, s’adressant à sa fille,
Ghyslaine
Je vous en prie, Pénélope, vous n’avez plus cinq ans pour courir de la sorte.
Mais déjà, Charles enchaîne
Charles
Venez vous asseoir avec nous, Pénélope.
Pénélope regarde son père, puis sa mère, et ostensiblement agressive, s’assied en face de sa mère en disant
Pénélope
Assieds-toi Karim. On va dîner ici.
Ghyslaine, surprise, hésite, regarde son mari, puis sa fille, puis à nouveau son mari qui, à contre cœur, dit
Charles
Mais oui, Karim, asseyez-vous.
Mal à l’aise, Karim s’assoit en face de Charles qui déjà enchaîne
Charles
Alors ces leçons d’équitation.
Pénélope, excitée
Je ne pensais pas que je prendrais autant de plaisir à donner des leçons. En fait, c’est très amusant. Et je dois être très douée, si j’en juge les progrès que fait Karim.
Ghyslaine réagit silencieusement, mais se force à ne rien laisser paraître.
Mais déjà, Pénélope, heureuse, continue
Pénélope
Karim n’arrête pas de dire qu’il faudrait qu’on fasse un haras et que je donne des cours. Et il pense que ça peut rapporter gros. Peut-être même plus que le camping.
Ghyslaine, outrée
Pénélope !
Mais Charles enchaîne pour interrompre Ghyslaine.
Charles
On verra ça plus tard. Pour l’instant il s’agit de prouver que le camping fonctionne.
Mais ils sont interrompus par le chef cuisinier qui accompagne le marmiton qui apporte les plats commandés par Ghyslaine et Charles et qui les place devant eux.
Chef Cuisinier
Alors Mademoiselle Pénélope, qu’est-ce que je vous sers ce soir.
Karim regarde Pénélope qui, souriante, complice, dit
Pénélope
C’est toi qui as gagné.
Karim hésite, regarde d’un air interrogateur Pénélope qui l’encourage d’un grand sourire.
Karim regarde Ghyslaine et, d’une petite voix, dit
Karim
La même chose que Madame la Duchesse… Pour nous deux.
Chef Cuisinier
Excellent choix.
Et le Chef cuisinier repart vers la tente-cuisine.
Pénélope prend alors la bouteille d’eau posée sur la table, sert Karim et se sert.
Ghyslaine, outrée
Pénélope !
Mais Pénélope se tourne vers sa mère, tout sourire, avec une mimique d’excuse
Pénélope
C’est moi qui ai perdu.
Ghyslaine, dépassée, regarde sa fille sans comprendre.
76. Chambre Ghyslaine-Charles. Intérieur. Nuit.
Ghyslaine, toujours habillée comme au XVIII° siècle, est assise devant sa table de maquillage.
Elle se regarde fixement dans la glace, et, sans se retourner parle à Charles qui est en train de déshabiller
Ghyslaine
Vous avez comme vu comment elle le regardait.
Charles
Oui, je crois qu’elle est amoureuse.
Ghyslaine
Oui, mais de qui ! De ce …
Charles, ironique
D’un arabe ?
Ghyslaine
Non ! D’un serviteur.
Charles
Et oui, la tradition se perpétue.
Ghyslaine, furieuse
Comment osez-vous !
Charles, ironique
Ne m’aviez-vous pas dit …
Ghyslaine, l’interrompant
C’était une autre époque.
Charles, souriant
Non, c’est maintenant que nous sommes dans une autre époque.
Ghyslaine, furieuse, se tourne vers son mari
Ghyslaine
Je ne permettrai pas.
Charles
Pourquoi ? Elle est heureuse.
Ghyslaine regarde son mari, ne sachant que répondre.
Charles
Elle est jeune, amoureuse et heureuse. Que peut-on souhaiter de mieux pour notre fille.
Ghyslaine
Mais enfin, il s’agit d’un …
Mais Ghyslaine s’interrompt, laissant sa phrase en suspend.
Charles la regarde, et,
Charles, doucement
Elle est jeune. Et à notre époque les filles ne se marient plus à 16 ans.
Ghyslaine regarde son mari, ne sachant comment répondre.
Et, finalement, elle se retourne vers la glace, et commence à se démaquiller en murmurant
Ghyslaine
Oui, mais quand même !
SIXIEME JOURNÉE.
77. Terrasse devant le château. Extérieur. Matin.
Charles et Ghyslaine prennent leur petit déjeuner sur la terrasse devant le château.
Ghyslaine
Encore deux jours.
Charles
Que voulez-vous dire ?
Ghyslaine
Dans deux jours, nos campeurs repartent à l’usine et … le camping aura vécu.
Charles
Vous regrettez ?
Ghyslaine
Je ne sais pas.
Puis après un temps, elle ajoute
Ghyslaine
De toutes les façons, le château était foutu. Au moins nous aurons essayé et … comment dire … terminé en beauté.
Charles, souriant
Je dois dire que vous m’avez surpris. Je n’aurais jamais cru ça de vous.
Ghyslaine
Moi non plus.
Ghyslaine tend la main que Charles prend et ils se regardent amoureusement.
A ce moment Pénélope, vêtue de sa tenue de cavalière, sort en courant et, voyant ses parents, s’arrête, et se dirige rapidement vers eux.
Elle prend un verre de jus d’orange, le boit d’un trait, et
Pénélope
Je suis en retard.
Et elle repart en courant vers les écuries.
Charles et Ghyslaine la regardent partir en courant, attendris
Charles
Pour elle aussi cette expérience aura changé sa vie.
Ghyslaine se tourne vers son mari, lui sourit et
Ghyslaine
Oui … Mais est-ce en bien ?
Charles regarde sa femme, hausse les épaules en signe d’ignorance, puis
Charles
En tout cas, elle est heureuse.
Ils se regardent, attendris.
78. Ecuries. Intérieur. Matin.
Pénélope entre en courant dans les écuries et s’arrête pour regarder Karim finir de seller sa jument.
En l’entendant arriver, Karim se tourne vers elle
Karim
Voilà, elle est prête.
Pénélope lui fait un grand sourire, regarde sa jument, tire sur la sangle de la selle pour vérifier si elle est bien serrée, et
Pénélope
Parfait. Je vois que je n’ai plus rien à t’apprendre.
Karim la regarde amoureusement, avec une moue interrogative.
Pénélope le regarde,
Pénélope
Idiot.
Elle lui donne un rapide baiser sur la bouche, et saute sur son cheval en disant
Pénélope
Je l’échauffe et je te retrouve au camping.
Et elle sort de l’écurie au trot, suivi du regard amoureux de Karim.
79. Salon du château. Intérieur. Jour.
Ghyslaine, assise dans le salon, lit une revue.
Charles entre
Charles
Vous êtes là ? Je vous croyais au camping.
Ghyslaine
Pourquoi faire ?
Charles
Votre travail d’hôtesse.
Ghyslaine sourit tristement
Ghyslaine
Pour faire quoi ?
Charles
Il ne vous reste que deux jours.
Ghyslaine
Est-ce bien utile ?
Charles
Il ne s’agit pas du camping, mais de vous.
Ghyslaine hoche la tête
Ghyslaine
La garde meurt, mais ne se rend pas, c’est ça ?
Charles
En quelque sorte, oui.
Ghyslaine
N’est pas un peu dépassé à notre époque ?
Charles
Sommes-nous vraiment de cette époque ?
Ghyslaine le regarde, sourit
Ghyslaine
Vous avez raison.
Elle se lève et se dirige vers la porte, l’ouvre. Mais Charles l’interpelle
Charles
Vous n’allez pas y aller dans cette tenue.
Ghyslaine se retourne, le regarde et souriante répond
Ghyslaine
Il faut savoir s’adapter, comme vous dites.
Et elle sort, laissant Charles pensif.
80. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine, vêtue d’une tenue actuelle, arrive dans le camping. Elle s’arrête pour regarder, attendrie, sa fille, aidée par Karim, qui donne une leçon d’équitation à Germaine.
Puis elle entre dans le camping et se dirige vers la tente-cuisine.
81. Tente cuisine. Intérieur. Jour.
Dans la tente, les marmitons s’activent sous les ordres du chef cuisinier.
En la voyant arriver, le chef cuisinier se dirige vers elle
Chef cuisinier
Madame la Duchesse.
Ghyslaine
Alors, comment ça se passe ?
Chef cuisinier
Très bien, comme vous pouvez le voir.
Ghyslaine hoche la tête et passe rapidement au milieu des marmitons très actifs.
Le chef cuisinier la suit
Ghyslaine
Ça a l’air très bon, tout ça.
Chef cuisinier
Vous voulez goûter ?
Ghyslaine
Inutile. Je vous fais confiance.
Le chef cuisinier sourit, heureux et fier
Chef cuisinier
Vous souhaitez quelque chose de particulier ?
Ghyslaine
Non, je venais simplement m’assurer que tout allait bien et que vous ne manquiez de rien.
Chef cuisinier
Non, tout va bien et je vous garantis que vos nouveaux invités seront bien traités.
Ghyslaine, surprise
Mes nouveaux invités ?
Chef cuisiner
Oui, Germaine m’a prévenu que son mari arriverait en fin de journée avec eux. Leur tente a été préparée et j’ai prévu un grand méchoui pour ce soir.
Ghyslaine le regarde sans comprendre, mais se contente de hocher la tête
Ghyslaine
Très bien, je vous remercie.
Chef cuisinier
Bien entendu, vous dînez avec eux ce soir ?
Ghyslaine, de plus en plus surprise, acquiesce, ne sachant que répondre.
82. Camping. Extérieur. Jour.
Ghyslaine sort de la tente-cuisine, et se dirige vers l’endroit où sa fille donne sa leçon d’équitation à Germaine.
Elle les regarde, et Pénélope, apercevant sa mère, lui fait un grand sourire, sans pour autant interrompre sa leçon.
Ghyslaine regarde Germaine, mal à l’aise sur le cheval mais manifestement heureuse.
Apercevant Ghyslaine, elle lui fait un petit signe, manque de perdre l’équilibre et se rattrape à la dernière seconde pour continuer, crispée, sa leçon.
Puis elle termine sa leçon, s’arrête devant Karim qui tient le cheval pendant qu’elle descend maladroitement.
Pénélope
C’était très bien.
Et pendant qu’un gros campeur s’approche pour prendre sa leçon, Ghyslaine rejoint Germaine
Germaine, essoufflée
J’ai mal aux fesses, mais j’adore.
Ghyslaine
C’est quoi cette histoire d’invités ?
Germaine
Ah, vous savez ?
Ghyslaine hoche la tête, sans répondre
Germaine
Mon mari voulait vous faire la surprise.
Ghyslaine
Et bien c’est raté. C’est qui ?
Germaine
Je ne sais pas. Il m’a simplement dit que ça vous ferait plaisir.
Ghyslaine
Et ils doivent arriver quand ?
Germaine
Je crois qu’ils seront là pour le dîner. Mais c’est tout ce que je sais.
Ghyslaine
Mais enfin, il aurait pu me demander mon avis.
Germaine
Vous savez, mon mari a l’habitude de prendre ses décisions tout seul.
Ghyslaine
Mais dites-moi, qui a-t-il invité ?
Germaine
Je vous l’ai dit, je ne sais pas.
Ghyslaine, furieuse, hausse les épaules et retourne à grands pas au château, sans plus s’occuper de Germaine.
83. Salon du Château. Intérieur. Jour.
Ghyslaine, furieuse, entre dans le salon où Charles est en train d’écrire
Ghyslaine
Mais pour qui se prend-t-il ?
Charles, étonné, lève les yeux vers sa femme
Charles
Qu’est-ce qui se passe ?
Ghyslaine
Le syndicaliste a invité des gens sans me prévenir.
Charles la regarde en faisant un signe qui veut dire “et alors ?”.
Ghyslaine, furieuse
Et c’est tout ce que ça vous fait ?
Charles
Ne vous mettez pas dans cet état. Ce n’est pas si grave. …
Ghyslaine
Si, c’est grave.
Charles
Pourquoi ? Une ou deux personnes de plus ou de moins …
Ghyslaine
Peut-être, mais il n’a pas à inviter des gens chez nous.
Charles
Chez nous, chez nous … Plus pour très longtemps.
Ghyslaine regarde son mari, et, brusquement, une idée la fait réagir
Ghyslaine
Mais oui !
Charles
Quoi ?
Ghyslaine
Prévenez l’avocat de Pierre Henri que ses ouvriers se servent du camping pour inviter leurs amis à ses frais.
Charles
Pourquoi ?
Ghyslaine
Pierre Henri va réagir puisque c’est son argent, les ouvriers seront furieux et il y aura une grève.
Charles
Vous rêvez !
Ghyslaine
Peut-être, mais … sait-on jamais.
Charles et Ghyslaine se regardent, sourient, puis éclatent de rire.
84. Terrasse devant le château. Extérieur. Soir.
Ghyslaine et Charles, confortablement installés dans des fauteuils, boivent du whisky en regardant le soleil se coucher.
Puis Ghyslaine se lève et
Ghyslaine
Vous êtes prêt ?
Charles
Vous tenez vraiment à y aller ?
Ghyslaine
Le spectacle pourra être amusant.
Mais devant la moue dubitative de Charles, elle enchaîne
Ghyslaine
Nous ne faisons que refaire l’histoire … trois siècles plus tard.
Charles
Que voulez-vous dire ?
Ghyslaine
Mon aïeul avait créé une situation identique pour garder ses privilèges.
Charles
Nous ne sommes plus au siècle de Louis XIV.
Ghyslaine
C’est vrai, mais la calomnie est toujours actuelle.
Charles la regarde, pas convaincu.
Ghyslaine
Allez, du courage.
Charles
Vous ne vous changez pas ?
Ghyslaine
Inutile. Notre combat est actuel.
85. Camping. Extérieur. Soir.
Charles et Ghyslaine entrent au camping et s’arrêtent, surpris, de voir tous les campeurs habillés comme au XVIII° siècle.
En les voyant, un des campeurs s’approche d’eux
Campeur
Mais Comtesse, vous n’êtes pas habillée.
Ghyslaine le regarde, sans comprendre
Campeur, insistant
Ce soir, c’est déguisement obligatoire.
Ghyslaine, furieuse
Ne soyez pas ridicule.
Campeur, fataliste
Je vous aurai prévenu.
Et, leur tournant le dos, il rejoint sa tente et y entre.
Ghyslaine se tourne vers Charles
Ghyslaine
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Charles lève les yeux au ciel en signe d’ignorance.
Mais déjà Ghyslaine se dirige à grands pas vers le coin salle à manger, suivie, avec un temps de retard par Charles.
Ils arrivent dans la partie “salle à manger”, où les marmitons, habillés comme au XVIII° siècle finissent d’arranger les tables pour le dîner, pendant que chef cuisinier surveille la cuisson d’un méchoui.
En les voyant, il vient vers eux
Chef cuisinier
Vous n’êtes pas encore habillés ?
Ghyslaine
Mais qu’est-ce que ça veut dire ?
Chef cuisinier
Vous devriez vous dépêcher, ils ne vont pas tarder à arriver.
Ghyslaine
Qui ?
Chef cuisinier
Mais vos invités, Madame la Duchesse.
Ghyslaine
Mais enfin, c’est ridicule.
Chef cuisinier
Je vous en prie, faites vite.
Ghyslaine, trop surprise pour réagir, regarde son mari qui, tout aussi surpris, regarde les campeurs arriver, tous habillés comme au XVIII° siècle. Et, se tournant vers sa femme, Charles dit
Charles
Je ne sais pas ce qui se passe, mais je crois que nous devrions suivre leurs conseils.
Ghyslaine, hésitante, regarde son mari, regarde les campeurs habillés comme au XVIII° siècle et brusquement se fige en apercevant sa fille arriver en compagnie de Karim, tous deux habillés comme au XVIII° siècle.
Ghyslaine se précipite vers sa fille
Pénélope
Qu’est-ce que vous faites dans cette tenue ?
Ghyslaine
Et vous ?
Pénélope
Comment, vous n’êtes pas au courant ?
Ghyslaine
Mais de quoi ?
Pénélope
Je ne sais pas, je croyais que c’est vous qui …
Ghyslaine
Qui quoi ?
Pénélope
Qui aviez exigé que tout le monde s’habille comme ça pour recevoir vos invités.
Ghyslaine
Vous n’allez pas vous y mettre vous aussi.
Pénélope
Comment, vous n’êtes pas au courant.
Ghyslaine
Mais au courant de quoi ?
Charles prend alors Ghyslaine par le bras et
Charles
Je vous en prie, ma chère. Allons nous changer et nous découvrirons ainsi la fameuse surprise.
Ghyslaine hésite, mais finalement se laisse entraîner par son mari.
86. Chambre Charles Ghyslaine. Intérieur. Soir.
Charles, vêtu comme sous Louis XIV, entre dans la chambre où Ghyslaine finit de se préparer.
Charles
Vous êtes prête ?
Ghyslaine
Presque, mais je continue à penser que nous ne devrions pas y aller.
Charles
Ce camping, c’est vous qui l’avez voulu. Autant le terminer en beauté.
Ghyslaine va répondre, mais un bruit d’hélicoptère l’interrompt.
Ghyslaine
C’est quoi, ça encore ?
Charles et Ghyslaine se précipitent vers une fenêtre et regardent un hélicoptère se poser au fond du parc.
Et, sortant du bois qui cache le camping, des hommes portant des torches s’approchent de l’hélicoptère d’où descendent des silhouettes vêtues elles aussi comme au XVIII° siècle.
Ghyslaine
Mais c’est quoi, ça encore ?
Charles
La surprise, j’imagine.
Puis, en riant, il ajoute
Charles
J’imagine que l’arrivée du roi dans le camping de votre aïeul devait se passer comme ça … sans l’hélicoptère, bien sûr !
Ghyslaine lui jette un regard noir, mais ne répond pas.
87. Camping. Extérieur. Soir.
Charles et Ghyslaine, vêtus comme au XVIII° siècle, arrivent dans la partie du camping salle à manger qui est entièrement éclairée par des torches.
A leur arrivée, les campeurs qui boivent autour des tables les accueillent avec des cris de joie.
Et tout de suite, le syndicaliste, vêtu lui aussi comme au XVIII° siècle, se précipite vers eux
Syndicaliste
Je suis heureux de vous voir. Venez, je vais vous présenter.
Ghyslaine
Mais enfin …
Mais d’autorité le syndicaliste la prend par le bras en disant
Syndicaliste
Je vous en prie, Madame la Duchesse, faites-moi confiance.
Et il les entraîne vers le bar où deux hommes, vêtus aussi comme au XVIII° siècle, boivent dos à eux.
Syndicaliste
Permettez-moi de vous présenter Madame la Duchesse et Monsieur le Duc de la Rocherouge.
Les deux hommes se retournent, et découvrant les deux Japonais qui étaient déjà venus, Ghyslaine pousse un cri
Ghyslaine
Vous !
Sans tenir compte de sa réaction, les Japonais s’inclinent devant elle en disant
Japonais 1
Je suis très impressionné, Madame la Duchesse.
Mais sans tenir compte des deux Japonais, Ghyslaine se tourne vers le syndicaliste
Ghyslaine, furieuse
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Le syndicaliste lui murmure fermement
Syndicaliste
Faites-moi confiance, Duchesse et jouez votre rôle.
Et il enchaîne d’une voix normale
Syndicaliste
Je crois que notre ami, le chef cuisinier, est impatient de nous faire goûter sa cuisine.
Et il tend son bras vers Ghyslaine qui, machinalement, pose sa main sur son poing et tous deux se dirigent lentement vers la table qui leur est préparée.
Ghyslaine, murmurant
Si vous croyez que je vais accepter de leur vendre …
Syndicaliste, murmurant
Qui parle de vendre ?
Ghyslaine se tourne vers lui, sans comprendre.
Le syndicaliste la regarde
Syndicaliste, murmurant
Souriez.
Machinalement Ghyslaine esquisse un sourire forcé auquel le syndicaliste lui répond par un grand sourire.
Arrivé devant la table, il tire la chaise de Ghyslaine pour lui permettre de s’asseoir et le Japonais 1 s’assied à côté d’elle en disant
Japonais 1
Madame la Duchesse, j’adore votre idée.
Syndicaliste s’asseyant
Je vous en prie, ne parlons pas affaire maintenant.
Ghyslaine
Mais si, au contraire, je voudrais savoir ce que nos invités attendent de nous.
Japonais 1
Mais nous n’attendons rien de vous, Madame la Duchesse, nous voulons seulement solliciter une faveur.
Ghyslaine le regarde, méfiante
Japonais 1, timide
Voilà … nous voudrions franchiser votre idée de camping historique.
Et se méprenant sur l’air ahuri de Ghyslaine
Japonais 1
Mais nous sommes prêts à payer très cher.
A ce moment un marmiton apporte des coupes de champagne. Ghyslaine prend une coupe, la boit d’un trait, et, avant que le marmiton n’ait le temps de repartir en prend une autre et la vide aussi d’un trait.
Et devant l’air étonné du Japonais, elle enchaîne tout sourire
Ghyslaine
Mais notre ami a raison. Mangeons, nous parlerons affaire ensuite.
Et prenant une autre coupe de champagne, elle la boit aussi d’un trait.
88. Camping. Extérieur. Nuit.
La camping est rempli de rire, et manifestement tout le monde a bien mangé et bien bu. Et tous sont un peu saouls.
Ghyslaine, continue à boire du champagne et rit beaucoup.
Le syndicaliste se penche alors vers elle
Syndicaliste, en confidence
Duchesse, que diriez-vous de chanter un de vos airs préférés pour nos amis. Les Japonais adorent qu’on chante à la fin des banquets.
Ghyslaine, saoule
Bonne idée, mais vous m’accompagnez.
Elle se lève d’un bon, et se dirige vers l’estrade où le clavecin est toujours installé.
Le syndicaliste la suit, s’installe devant le clavecin, regarde Ghyslaine qui hoche la tête, et commence à jouer.
Et Ghyslaine, déchaînée, commence à chanter un air d’opéra.
Les Japonais la regardent, fascinés, et se penchant vers Charles
Japonais 1
J’adore. C’est beaucoup plus drôle que les karaokés.
Et se levant, il chante, en même temps que Ghyslaine, le même air d’opéra, mais en Japonais.
Ghyslaine, surprise, s’interrompt, mais le Syndicaliste lui fait signe de continuer et elle continue son chant, en duo avec le Japonais.
SEPTIEME JOURNÉE.
89. Terrasse devant le Château. Extérieur. Matin.
Le majordome finit d’installer une grande table pour un petit déjeuner pour six personnes.
Charles le regarde faire, quand Ghyslaine arrive en robe de chambre, échevelée, manifestement mal réveillée et se tenant la tête
Ghyslaine
Oh, ma tête …
Et découvrant la table,
Ghyslaine
Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Charles, ironique
Vous ne vous souvenez pas ? Vous avez invité les Japonais et le Syndicaliste à venir prendre un petit déjeuner “au Château”.
Ghyslaine, qui manifestement ne se souvient pas, le regarde, étonnée
Ghyslaine
J’ai fait ça, moi ?
Charles hoche la tête affirmativement.
Mais avant que Ghyslaine ne puisse répondre
Majordome
Je crois que les invités de Madame arrivent.
Charles et Ghyslaine se tournent vers le parc où, venant du camping, quatre personnes, vêtus comme au temps de Louis XIV, se dirigent vers eux.
Ghyslaine se tourne alors vers le majordome
Ghyslaine
Allez me chercher des cachets d’aspirine, vite.
Et pendant que le majordome entre dans le château, Ghyslaine arrange rapidement ses cheveux, et, se tournant vers Charles
Ghyslaine
Ça va, je suis présentable ?
Charles
Vous comptez rester en peignoir ?
Ghyslaine
Je n’ai pas le temps d’aller m’habiller. De toutes les façons, assister au lever du roi était un honneur à l’époque, non ?
Charles esquisse un sourire, mais ne répond pas.
Et, déjà, le majordome revient avec des cachets d’aspirine.
Ghyslaine
Merci.
Elle avale deux cachets et rendant les autres cachets au majordome, dit
Ghyslaine
Merci. Maintenant allez chercher du café et du thé pour nos invités.
Et se tournant vers mon mari, elle enchaîne
Ghyslaine
Quand faut y aller, faut y aller !
Et, dignement, elle s’approche des marches qui mènent à la terrasse et regarde arriver les deux Japonais, le Syndicaliste et sa femme, tous les quatre habillés comme au XVIII° siècle.
Arrivés aux pieds des marches, les deux Japonais laissent le Syndicaliste et sa femme passer les premiers.
Tout en montant, Germaine se tourne vers son mari
Germaine
Tu vois, je t’avais dit qu’il fallait attendre encore un peu.
Et arrivée devant Ghyslaine
Germaine
Duchesse, comme c’est gentil de nous recevoir. Mais les hommes étaient tellement pressés de venir que nous arrivons trop tôt.
Ghyslaine
Pourquoi dites-vous ça ?
Germaine, bredouillant
Parce que … ben, parce que …
Et elle regarde ostensiblement le peignoir de Ghyslaine.
Se forçant à rire, Ghyslaine s’esclaffe
Ghyslaine
Ma tenue vous gêne ? Mais je prends toujours mon petit déjeuner en peignoir, pas vous ?
Mais déjà le Syndicaliste, imité par les deux Japonais, s’incline devant Ghyslaine en disant
Syndicaliste et Japonais
Madame la Duchesse
Ghyslaine
Je vous en prie, pas de cérémonie entre nous. Venez, la table est servie et le petit déjeuner vous attend.
Et Ghyslaine se dirige vers la table et s’assied à un bout, sans s’occuper de ses invités.
Surpris, les invités ont un moment de gêne, mais déjà Charles leur fait signe de s’asseoir.
Charles
Je vous en prie.
Le Japonais 1 et le Syndicaliste s’assoient de part et d’autre de Ghyslaine et l’autre Japonais et Germaine de part et d’autre de l’autre bout de table où Charles prend alors place.
Et, en même temps, le majordome arrive, portant un plateau avec du café et du thé.
Ghyslaine
Posez ça là, mon ami, nous nous servirons nous-mêmes.
Surpris, le majordome pose le plateau sur une déserte à côté de Ghyslaine et retourne dans le château.
Ghyslaine prend alors la cafetière et se tournant vers le Japonais 1
Ghyslaine
Café ?
Mais au même moment, Germaine bondit de sa chaise en disant
Germaine
Laissez-moi faire. J’adore servir.
Surpris le syndicaliste se tourne vers sa femme
Syndicaliste, réprobateur
Germaine !
Mais Ghyslaine se tourne vers lui, avec un grand sourire
Ghyslaine
Si ça lui fait plaisir !
Le syndicaliste la regarde, mais ne répond pas.
Ghyslaine tend alors la cafetière à Germaine qui la prend avec la théière et fait le tour des convives pour les servir.
Le Japonais 1 se penche alors vers Ghyslaine et demande
Japonais 1
Avez-vous pensé à ma proposition ?
Ghyslaine, affolée, qui manifestement ne se souvient de rien, le regarde, regarde son mari, regarde à nouveau le Japonais, ne sachant que répondre.
Le Japonais la regarde aussi en silence, puis brusquement
Japonais 1
Vous êtes très dure en affaire. OK, je double ma proposition …. mais c’est mon dernier prix.
Ghyslaine le regarde et d’une voix incertaine demande
Ghyslaine
Vous pouvez me l’écrire ?
Le Japonais la regarde, sort une carte de visite de sa poche, écrit un chiffre dessus et tend sa carte à Ghyslaine.
Ghyslaine prend la carte, regarde le chiffre qui manifestement contient un nombre impressionnant de zéros et regarde à nouveau le Japonais.
Ghyslaine, incertaine
Juste pour la franchise ?
Japonais 1
Plus dix pour cent des bénéfices, bien sûr.
Ghyslaine le regarde, ahurie, puis se lève brusquement et entre dans le château.
Surpris le Japonais la regarde partir, regarde le Syndicaliste qui est tout aussi surpris que lui.
Mais déjà Ghyslaine revient avec une bouteille de whisky à la main, en sert une bonne rasade dans son verre de jus d’orange et, s’adressant au Japonais
Ghyslaine
Vous en voulez aussi ?
Le Japonais prend son verre de jus d’orage et le tend à Ghyslaine qui le remplit à ras bord de whisky.
Et, prenant son verre, Ghyslaine trinque avec le Japonais en disant
Ghyslaine
A notre association !
Et tous deux boivent pendant que le Syndicaliste prend la bouteille de whisky, en met dans son verre de jus d’orange et la tend à son voisin.
90. Entrée du château. Extérieur. Jour.
La voiture de Pierre Henri arrive à toute allure à l’entrée du château, et, sans même ralentir, passe le portail d’entrée et vient se garer dans un crissement de pneus et de graviers devant l’escalier qui mène à la terrasse où Ghyslaine et ses invités finissent leur petit déjeuner.
Il sort rapidement de sa voiture, claque la portière et monte les marches en courant. Mais il se fige en découvrant Ghyslaine et ses invités, tous manifestement “éméchés”, qui le regardent arriver.
Ghyslaine, ironique
Tiens, un nouvel invité.
Pierre Henri, furieux et surpris de voir les Japonais, le Syndicaliste et sa femme, dit
Pierre Henri
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ghyslaine
Quoi donc ?
Pierre Henri marque un temps d’arrêt avant de montrer d’un geste les invités.
Mais Germaine se lève alors et lui tendant une tasse demande
Germaine
Café ou thé ?
Pierre Henri, furieux
Rien du tout.
Germaine esquisse un geste de “comme vous voulez”, et se rassied.
Mais déjà Pierre Henri s’approche de Ghyslaine
Pierre Henri
A quoi rime cette réunion ?
Ghyslaine
Cela ne vous regarde pas, mon cher.
Pierre Henri
Si, vous êtes chez moi, maintenant.
Syndicaliste
Depuis quand ?
Furieux d’être interrompu par le Syndicaliste, Pierre Henri se tourne vers lui, agressif
Pierre Henri
De quoi vous mêlez-vous ?
Syndicaliste, calmement
Je répète ma question. Depuis quand ?
Pierre Henri
Ça vous regarde ?
Syndicaliste
Un peu, oui.
Pierre Henri
Nous ne sommes pas à l’usine, mon vieux. Ici vous n’avez aucun pouvoir.
Syndicaliste
Vous non plus.
Pierre Henri
Si. Je paie tout depuis si longtemps que maintenant j’en suis le propriétaire.
Syndicaliste, ironique
Vous payez tout … Vous êtes sûr ?
Inquiet de la remarque du Syndicaliste, Pierre Henri le regarde avant de hurler
Pierre Henri
Mais en quoi ça vous regarde.
Syndicaliste
Ça regarde le syndicat.
Pierre Henri
C’est une menace ?
Mais avant que le Syndicaliste ne réponde Ghyslaine les interrompt
Ghyslaine, un peu saoule
La véritable citation est : “C’est une révolte ?” et la réponse : “Non, Sire, une révolution”.
Et se tournant vers son voisin le Japonais
Ghyslaine
Voyez-vous, c’est ça avec la petite bourgeoisie. Ils se croient les maîtres du monde parce qu’ils ont de l’argent, mais ils n’ont aucune culture.
Le Syndicaliste se lève, s’approche de Pierre Henri et
Syndicaliste
Bon, résumons rapidement. Tous les prêts ont été faits sur la caisse de l’usine. Donc, soit le camping continue pour tous les salariés de l’usine – Et vous n’y serez pas le bienvenu – soit je vous dénonce au fisc.
Déconcerté, paniqué, Pierre Henri reste immobile, ne sachant que répondre.
Le syndicaliste le regarde un moment en silence, et
Syndicaliste
Et bien je vois que nous sommes d’accord. Je ne vous retiens pas.
Et il se rassied, tournant ostensiblement le dos à Pierre Henri qui ne sait comment réagir.
BEAUCOUP, BEAUCOUP PLUS TARD.
91. Camping au Japon. Extérieur. Nuit.
Dans un camping du Japon du XVI° siècle, éclairé par des flambeaux, des campeurs japonais, habillés comme à l’époque des samouraïs, boivent et mangent dans la joie.
Puis le Japonais 1, habillé en samouraï, arrive sur l’estrade où des gaïshas jouent de la musique et, faisant signe aux musiciennes de s’arrêter, demande le silence et, en japonais dit
Japonais 1, en japonais
Et maintenant, nous avons l’honneur d’accueillir celle à qui nous devons, pour notre plaisir, ce camping, Madame la Duchesse de la Rocherouge.
Et le Japonais désigne une table un peu en retrait où se trouvent Ghyslaine et Charles, habillés en “Noble” de l’époque de Louis XIV, en compagnie du Syndicaliste et de Germaine, tous deux habillés en “manant” de la même époque.
Ghyslaine se lève, rejoint le Japonais 1 sur l’estrade et esquisse un petit salut aux campeurs.
En même temps, les musiciennes recommencent à jouer et le Japonais 1 commence à chanter en japonais, immédiatement imité par Ghyslaine.
Et tous deux chantent en duo, elle en Français, lui en Japonais.
Au milieu des campeurs, Charles, le syndicaliste et Germaine, les regardent en souriant et en rythmant la musique de leur tête.
Et, sur ce chant, se déroule le générique de fin.
*
* *