Ecrire 4

Il était une fois …

Classique comme début, mais là il ne s’agit pas d’une jeune et belle princesse, mais d’une femme d’une quarantaine d’années. Cette femme, moi, est amoureuse d’un assassin et veut le sauver de l’accusation du seul crime qu’il n’a pas commis puisque c’est moi qui l’ai fait. J’avais mes raisons, c’est vrai. J’étais jalouse et  je ne supportais pas qu’il me trompe avec une jeune et jolie princesse qui n’était en fait que la fille de ma meilleure amie. Meilleure est vite dit, puisque maintenant nous sommes fâchées. Cette jeune fille était mon employée. Je lui avais trouvé du travail dans notre restaurant et c’est comme ça qu’elle me remerciait !

C’est lui qui a été accusé de sa mort puisqu’ils étaient ensemble à ce moment là. Enfin, pas exactement. La vérité est que quand il est parti, je suis venue dans la chambre et je l’ai étouffée avec son oreiller. Très facile du reste et je le conseille aux femmes trompées. Pas de trace et pas besoin de s’encombrer d’une arme qui permet toujours aux policiers de nous retrouver. Là c’est lui qui a été soupçonné et il a reconnu qu’il était coupable. Savait-il  que c’était moi qui l’avais tuée. Je ne crois pas, mais c’était sa façon à lui de me prouver son amour et que l’aventure qu’il avait eu avec notre serveuse n’était pas importante. Ma façon à moi maintenant de lui prouver que je l’aimais, était de le sortir de là.

Pour l’instant il était en prison mais le procès n’avait pas encore eu lieu. C’était ma chance. Je n’avais bien sûr pas les moyens de lui payer le meilleur avocat de Paris, mais je pouvais commettre d’autres crimes similaires, ce qui créerait un doute acceptable. Pour ça, il me fallait une nouvelle victime que je tuerais de la même façon. Comme je ne lui connaissais pas d’autres maitresses, il me fallait trouver une jeune fille en contact avec lui ou ayant été en contact. Première idée, une de nos employées. C’est moi qui les choisissais, toujours sur le même modèle, jolie et avenante pour plaire aux clients. Cela aurait l’avantage de donner aux enquêteurs d’autres pistes, celles d’un de nos clients par exemple puisqu’eux aussi étaient en contact avec elles.

Donc, pour la victime, pas de difficulté. Restait à trouver le coupable.

Je passais mes soirées au restaurant faisant semblant de veiller à son fonctionnement mais surtout pour observer nos habitués. Beaucoup d’entres eux semblaient complices avec les employées, plaisantaient avec elles et leurs laissaient de gros pourboires. Encourageant. Je n’avais plus qu’à faire le choix. Tout le monde s’était maintenant habitué à ma présence. J’étais la femme trompée qui cherche à retrouver son équilibre dans le bon fonctionnement de son restaurant et qui n’hésite pas à donner un coup de main.

Deux semaines plus tard, l’un de mes clients a retenu mon attention. Divorcé depuis deux ans il considérait mon restaurant comme sa cantine et mes serveuses comme ses employées. Enfin, peut-être un peu plus puisque je l’ai aperçu attendre l’une d’elles à la fin de son service.

J’avais donc une victime et un coupable. Restait le meurtre.

Je connaissais l’adresse de ma serveuse mais pas de son emploi du temps. Au mieux, je connaissais ses  jours de congés, mais mon client serait-il avec elle ? Pour mon mari c’était facile, mais là je ne me voyais pas les observer toute la nuit en attendant qu’il parte. Appeler mon employée pour lui demander de venir plus tôt que d’habitude, possible mais cela le ferait-il partir et la laisser seule chez elle. Et puis, un coup de téléphone laisse des traces et je ne voulais pas en donner aux enquêteurs.

C’est là que la chance m’a souri. Un soir, je les ai surpris en train de s’engueuler et il est parti sans laisser de pourboires. A la fermeture du restaurant je suis allé chez elle et j’ai sonné à sa porte. Elle était en larme. Pour la consoler le l’ai faite s’allonger sur son lit et j’ai pris son oreiller.

Tout est simple. Mon client est suspecté, arrêté puisque sa dispute avec mon employée avait eu des témoins. Mais mon mari n’est toujours pas libéré, et mon restaurant intrigue les policiers puisque ce sont mes employées qui sont les victimes. Il faut donc que je trouve une autre jeune et jolie fille qui ne soit ni une cliente ni une employée mais qui était en contact avec mon mari et, pourquoi pas, aussi avec le nouveau  suspect.

Je porte donc mon attention sur nos fournisseurs, même si ceux-là peuvent aussi ramener la police à mon restaurant. Mais je ne suis pas leur seule cliente. Effectivement  la fille de l’un d’eux retient mon attention. C’est elle qui s’occupe des commandes des restaurants de notre quartier et n’hésite pas à venir dîner pour se rendre compte de la réaction des clients. Du coup elle connait bien tous les restaurateurs, n’hésitant pas à interroger les consommateurs sur la qualité de ses produits, créant ainsi des liens avec eux.

Donc nouvelle victime possible, mais reste à trouver son assassin. Là c’est plus compliqué parce qu’elle vit avec un de ses collègues travaillant aussi pour son père. Seul avantage leurs horaires sont différents et il lui arrive souvent de rester seule chez elle quand il part faire des livraisons. Reste juste à m’introduire chez eux. Trouver leur adresse, pas compliqué puisqu’elle est dans mes fichiers. Ne reste que le problème d’horaire. Pas compliqué non plus puisqu’il fait ses livraisons tôt le matin et que je suis une cliente régulière.

Donc un matin je me rends chez elle, elle m’ouvre encore endormie, surprise de me voir. Mais je lui parle d’un problème de viande congelée et, négligemment, comme elle loge dans un studio et que le lit est dans coin, je lui demande s’il est confortable. Elle hoche la tête et me propose m’asseoir à côté d’elle pour tester sa souplesse. Et comme son oreiller est juste à coté …

Problème pour la police car son ami était en train de faire ses livraisons à l’heure de sa mort, et, comble de l’ironie, dans mon restaurant. Donc pas de suspects extérieurs pour eux, mais un doute possible sur la culpabilité de mon mari.

Je suis tentée de m’arrêter là, mais un sérial killer ne peut pas avoir que trois victimes à son actif. Il m’en faut encore une ou deux pour être crédible et retrouver mon mari.

Il me faut une nouvelle victime dans la restauration, milieu que je connais bien et qui justifie que mon mari ait été suspecté puisque le sérial killer ne « travaille » que dans ce milieu. Mais là, il ne faut pas qu’on puisse suspecter le moindre contact avec notre restaurant. C’est pour ça que j’ai commencé à sortir le soir et à inviter mes amies dans d’autres restaurants. Ce n’est pas la nourriture qui m’intéressait mais les serveuses, à tel point qu’une de mes amies m’a demandée en souriant si je n’envisageais pas, maintenant que mon mari était en prison, de me reconvertir. J’ai bien ri de sa remarque et bredouillé sans grande conviction que j’aurais besoin de renouveler mon personnel. Je ne crois pas qu’elle m’ait cru mais nous avons continuer à rire, et elle m’a avouée qu’elle avait tenté l’expérience dans sa jeunesse et que si je voulais … J’ai eu peur. La conversation allait trop loin et j’ai écourté la soirée pour de mauvaise raison. Mais après, en y réfléchissant, j’ai pensé que cette amie pourrait séduire des jeunes filles à ma place, m’innocentant ainsi définitivement vis à vis de la police. Donc, j’ai fait semblant de jouer le jeu et nous avons dîné dans de nombreux restaurants à la recherche d’une proie facile. Mais les jeunes filles sont plus attirées par les beaux jeunes hommes que par les vieilles femmes. A défaut de notre charme personnel, restait le charme de l’argent. J’ai donc invité une serveuse rencontrée par hasard à passer la soirée avec elle, proposant de lui apporter du champagne et du caviar pour éviter le brouhaha des restaurants. Bien entendu elle a accepté et je suis arrivée chez elle les bras chargés. Là elle m’attendait et, après que j’ai rempli son frigidaire de mes provisions elle m’a attirée dans chambre et s’est allongée me faisant signe de la rejoindre. Ce que j’ai fait et j’ai pris son oreiller …

Puis, champagne et caviar dans mon sac je suis allé fêter cette nouvelle victoire chez mon amie qui a enfin reconnu que nos rapports n’étaient qu’amicaux.

Là les enquêteurs ont été complétement déconcertés ce que j’ai pu constater avec l’absence de policiers dans mon restaurant qui, sous couvert de venir déjeuner ou dîner, venaient régulièrement observer ma clientèle. Et j’ai pu enfin prendre un peu de repos.

Le procès a eu lieu, mon mari a été libéré et tout est rentré dans l’ordre. Enfin presque, car il est revenu aigri, agressif et violent. Finalement j’étais plus tranquille quand il était en prison et j’envisageais sérieusement de l’y faire retourner. Mais là, mon sérial killer n’était plus possible puisque mon mari était déjà en prison au moment des meurtres. Il fallait que je fasse preuve d’imagination pour retrouver ma liberté.

Bien entendu il s’est empressé de reprendre une maitresse parmi nos employées. Du coup j’ai très sérieusement envisagé de ne prendre que des serveurs, mais cela serait mauvais pour les affaires. Et comme malgré tout je tenais à la bonne marche de notre restaurant j’ai très vite renoncé à cette idée.

Donc, que faire ?

Divorcer voulait aussi dire perdre le restaurant puisque nous l’avions acheté ensemble. Il me fallait donc une autre idée.

Le tuer, mais comment faire pour que cela semble être un accident, ou plus exactement que je ne sois pas suspectée ?

C’est à ce moment que j’ai commencé à lire des romans policiers. Mais rien ne m’a inspiré car les meurtres qui me plaisaient me semblaient trop compliqué à réaliser. J’en revenais donc une fois encore à faire appel à mon imagination.

En attendant une idée, plus exactement, l’idée, je me suis contentée de l’observer et j’ai constaté que ses fréquentations avaient changé et qu’il voyait maintenant de plus en plus d’ex-repris de justice. Je me suis donc imaginé qu’il allait se joindre à eux pour dévaliser une banque ou une bijouterie et qu’il me suffirait de prévenir la police pour qu’ils les prennent la main dans le sac. Mais j’ai très vite constaté que leurs parties de poker n’avaient pas pour but de préparer un casse mais de lui faire perdre de l’argent, argent qu’il prenait naturellement dans la caisse de notre restaurant. Mais là encore, prévenir la police ne servait à rien puisque, comme moi, il était propriétaire et pouvait faire ce qu’il voulait de son argent, et du mien par la même occasion puisque nous étions mariés.

Petit à petit nos habitués ont déserté le restaurant, remplacés par ses amis qui, bien sûr, ne payaient jamais leurs aditions. Et quand je lui en parlais j’avais droit à « C’est des copains », suivi d’une gifle pour m’éviter de continuer la discussion.

Il devenait donc urgent que je trouve une solution et le fasse sortir de ma vie. Le tuer restait dans mes possibilités puisque j’avais déjà tué 4 personnes. Mais le tuer, tout en apparaissant comme sa victime, un peu plus difficile à réaliser mais cela restait la seule solution.

J’ai donc commencé par ne plus me maquiller de façon à laisser apparaître les traces de ses coups et me suis plainte à mes amies de ses excès de violence que, bien entendu, j’attribuais aux mauvaises influences qu’il subissait. Et, innocemment, je laissais aussi entendre que, même s’il avait été acquitté du meurtre de son ancienne maitresse faute de preuves, je risquais d’être sa prochaine victime. Mes amies compatissaient mais ne réagissaient pas. Je n’en attendais pas moins d’elles, espérant simplement qu’elles seraient par la suite les témoins du calvaire que j’avais vécu avant mon « meurtre ».

Il me fallait maintenant mourir, ou plus exactement que mon meurtre se retourne contre lui. Ma première idée a été bien entendu la femme qui se défend contre les coups de son mari, mais l’idée que sa mort ne soit que de la légitime défense ne me plaisait pas car je n’étais plus seulement victime. Il fallait un vrai meurtrier.

Finalement tout a été plus simple que je ne le pensais. Ils se sont disputés lors d’une partie de poker, chacun a sorti son arme et mon mari a été mortellement blessé.

Je me suis précipitée, mais son agresseur m’a tiré dessus, me blessant à l’épaule. Et comme il s’approchait pour nous achever, mon mari, avant qui n’était pas tout à fait mort, l’a  tué d’une balle dans le cœur.

La police est venue quelques minutes plus tard et nous a amenés à l’hôpital, mais il est mort durant le transport. Cette fin me plaisait. Après tout j’avais aimé cet homme et, ainsi, il mourrait en héro en me défendant.

Mais il avait signé des reconnaissances dettes et, pour rembourser ses anciens amis, j’ai du vendre le restaurant, accentuant ainsi mon rôle de victime.

Du coup, j’ai oublié mon passé.

J’étais donc maintenant libre, victime, mais sans le sous.

C’est comme ça que je suis devenue auteur de romans policiers.