Autobiographie

C’est surprenant cette habitude qu’ont certaines personnes de raconter leur vie. Mais c’est plus celle qu’ils auraient rêvée d’avoir qui est intéressante.

Moi j’aurais aimé … Quoi du reste ? Pas princesse, puisque je le suis déjà. Enfin, dans ma tête parce que dans la réalité je me contente d’écrire des contes pour enfants, des contes avec des princesses, des princes charmants, bref tout sauf la réalité. Car, je l’avoue, avant cette période, ma vie n’a pas été facile. Mon mariage a été une erreur, erreur qui m’a pris plusieurs années avant que j’arrive à me retrouver. Mais, avec deux enfants à charge, il faut attendre leur majorité, je veux dire leur indépendance, pour vraiment recommencer à s’occuper de soi. Quant à mon mari, mon ex devrais-je dire, je ne l’ai pas vraiment connu puisqu’il est mort trois ans après notre mariage dans un accident de voiture. Et, en plus, il était marin dans la Royale, donc souvent absent. Durant ses rares escales je pouvais enfin le retrouver et nos enfants en sont la preuve. Est-ce que je l’ai aimé ? Je ne sais plus. Probablement puisque, à l’époque, je pensais avoir trouvé le prince charmant. Charmant c’est vrai qu’il l’était mais pas uniquement avec moi et ce n’est qu’après sa mort que je le lui ai découvert de nombreuses maîtresses. « Des aventures sans importance » m’aurait-il dit, ou, comme disaient mes amies, femmes de marins elles-aussi, « une femme dans chaque port ». Heureusement je ne pense pas qu’il ait eu d’autres enfants. Enfin, j’espère. Je dis ça parce tout ça m’a donné des idées de meurtres vis à vis de ses amis, marins comme lui. J’ai donc eu l’idée durant mon temps libre quand les enfants étaient en classe et que j’avais fini mon travail de secrétaire, d’écrire des romans policiers. Evidement mes victimes étaient des hommes qui trompaient leurs femmes. Mais, pour corser l’histoire, je trouvais plus amusant de les faire assassiner par une maîtresse jalouse. Naturellement c’est d’abord l’épouse qui était suspectée avant qu’une commissaire de police étudie le dossier avec plus d’attention que ses collègues masculins et ne porte ses  soupçons sur ses maîtresses. Elle trouve le véritable assassin, une maîtresse trompée elle aussi, innocentant ainsi la femme légitime. Du coup, la commissaire de police et elle deviennent amies et c’est elle qui donne maintenant à l’écrivain que je m’imagine être, les sujets de ces romans policiers. Mais cela ne me satisfait pas, et, m’inspirant cette fois-ci des enfants, sujet que je connais bien, j’en suis arrivée à écrire des contes pour enfants. Heureusement eux aussi peuvent avoir pour thème la cruauté ou la violence comme le prouve l’ogre qui dévore ses petites filles ou encore la méchanceté de la belle mère et de ses filles dans Cendrillon. Et, contrairement à mes romans policiers, ces contes ont plu à mon éditeur et mon public.

Il était une fois … Et je me retrouve dans mon rêve, heureuse d’une vie que je n’aurais jamais pu avoir puisqu’il n’y plus dans « mon » monde que des princes charmants et des méchants dragons qu’ils parviennent à vaincre pour me sauver. Mais mon père, le roi, pour défendre l’honneur de son pays, accepte de se battre en duel avec le roi d’un pays voisin, duel où il trouve la mort, laissant ainsi à son cousin la gestion du royaume. Mais celui-ci, jaloux, se débarrasse de moi en m’enfermant dans le donjon du château pour pouvoir voler les habitants à sa guise. Mais ce que cet homme ignore, c’est que mon ami, le prince charmant, « mon prince charmant », étonné de ne plus me voir, questionne mes servantes et découvre l’existence de mon cachot, gardé par un dragon sanguinaire. D’où son affrontement avec lui qui se termine par la mort du monstre et lui permit de me délivrer et de m’emmener dans son pays où nous sommes heureux et avons deux adorables petites filles.

Maintenant, ce sont elles mes princesses. Je n’écris plus, je les regarde vivre.  Jamais mon imagination n’aurait été à la hauteur de la satisfaction et du bonheur qu’elles m’apportent. Et avec elles plus besoin de meurtres, de suspens, l’amour suffit. Jusqu’alors je n’avais pas compris. Mais mon vrai conte de fée ce sont « elles », et surtout c’est d’être mère !